Sur une plage du Latium

Joseph Autran
par Joseph Autran
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La nuit descend ; la mer, dont je longe la plage,
Blanchit sur les galets à grand bruit charriés.
Sifflant une chanson de farouche présage,
Le vent froisse ma tempe, et me lance au visage
La poussière des flots qui brisent à mes pieds.

L’ombre submerge au loin les collines éteintes ;
Pas un reste d’azur dans le ciel ni sur l’eau.
Du soir envahissant tout subit les atteintes ;
L’occident seul, rougi d’incendiaires teintes,
Comme un ruban de feu luit au fond du tableau.

Ces grèves, qui dormaient hier silencieuses,
D’un terrible fracas partout grondent ce soir :
Bruit des forêts de pins, craquement des yeuses,
Hurlement sur l’écueil des ondes furieuses,
Cris d’oiseaux effarés tournant sous un ciel noir.

Hâtons le pas : en vain cent débris historiques
Appelleraient encore un hommage, un coup d’œil.
Assez je vous ai vus, vieux temples, vieux portiques,
Monuments si peuplés, si beaux, aux jours antiques,
Si remplis désormais de néant et de deuil !

Sans avoir vu passer une figure humaine,
J’ai suivi, tout le jour, le rivage latin ;
Seul et n’obéissant qu’au hasard qui me mène,
Tout le jour, j’ai foulé le bord de ce domaine
Où chaque pas évoque un fantôme lointain.

Maintenant que le soir précipite sa chute,
Que la nuit me saisit de son âpre fraîcheur,
Pour abriter mon front à la tempête en butte,
D’un pâtre hospitalier trouverai-je la hutte,
Ou le toit de roseaux de quelque brun pêcheur ?

Verrai-je, à l’horizon de ma route inconnue,
Surgir une lumière, apparaître un rayon ?
Ou faudra-t-il enfin prendre la roche nue
Pour chevet, et dormir, seul ici, sous la nue,
Comme autrefois Énée arrivant d’ilion ?

Ah ! dût le flux grondant me rouler sur la plage
Comme un débris de barque empreint de sel amer ;
Dût la libre cavale ou le buffle sauvage
Me fouler au galop, en venant au rivage
Aspirer la tempête et répondre à la mer ;

Je n’en bénis pas moins l’heureuse destinée
Qui, si loin de Paris, sur ces bords m’a conduit,
Vous offrant, vous livrant mon âme fascinée,
Ô liberté première, ô terre abandonnée,
Ô mer tempétueuse et mugissante nuit !

Joseph Autran

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