Stances sur mon jardin de Boucherville
Petit jardin que j’ai planté
Que ton enceinte sait me plaire !
Je vois en ta simplicité,
L’image de mon caractère.
Pour rêver qu’on s’y trouve bien !
Ton agrément c’est la verdure ;
A l’art tu ne dois presque rien,
Tu dois beaucoup à la nature.
D’un fleuve rapide en son cours,
Tes murs viennent toucher la rive,
Et j’y vois s’écouler mes jours,
Comme son onde fugitive.
Lorsque, pour goûter le repos,
Chaque soir je quitte l’ouvrage,
Que j’aime, jeunes arbrisseaux,
A reposer sous votre ombrage !
Votre feuillage, tout le jour,
Au doux rossignol sert d’asile ;
C’est là qu’il chante son amour,
Et, la nuit, il y dort tranquille.
Toi qui brilles en mon jardin,
Tendre fleur, ton destin m’afflige !
On te voit fleurir le matin,
Et, le soir, mourir sur la tige.
Vous croissez arbrisseaux charmants,
Dans l’air votre tige s’élance ;
Hélas ! j’eus aussi mon printemps,
Mais déjà mon hiver commence.
Mais à quoi sert de regretter,
Les jours de notre court passage ?
La mort ne doit point attrister,
Ce n’est que la fin du voyage .