Saigne, mon cœur !
À Armance.
Saigne, saigne, mon cœur… saigne ! je veux sourire.
Ton sang teindra ma lèvre et je cacherai mieux
Dans sa couleur de pourpre et dans ses plis joyeux
La torture qui me déchire.
Saigne, saigne, mon cœur, saigne plus lentement !
Prends garde ! on t’entendrait… saigne dans le silence
Comme un cœur épuisé qui déjà saigna tant,
A bout de sang et de souffrance !
Quand parmi les sans-cœur, pauvre cœur, je te traîne,
Sous mon froc étriqué, tu saignes dans ta nuit.
Les six lignes de chair de la poitrine humaine
Pourraient trahir ton faible bruit.
Mais je ne permets pas aux hommes de la foule,
Insolents curieux de tout cruel destin,
De t’approcher, cœur fier, pour entendre en mon sein
Dégoutter le sang qui s’écoule.
Saigne, saigne, mon cœur… J’étoufferai l’haleine
Qui pourrait, à l’odeur, révéler le martyr !
Saigne et meurs, cœur maudit… car la Samaritaine
Manque à jamais pour te guérir !