Le Cauchemar
Vers le vide
il se précipite, cet homme
dans les rues de cette ville sans nom
Sous un ciel rouge de flammes, de bruits
il ne s’arrête pas pour regarder autour de lui
il n’a pas le temps
Un cri, «tourne vite
non, pas par-là
vite! rejoins les autres, quels autres?»
Tête basse, il suit les lignes
il suit son ombre
ne voyant même pas les bâtiments sur le coté
Il n’entend que cette voix qui lui dit
«cours, vas-y, plus vite»
Le son d’acier qui frappe les murs
frappe encore dans sa tête
Est-ce qu’ils sont là? il ne le sait pas
Il continue comme une bête
c’est le renard coincé par des chiens
qui veulent le déchiqueter
Il a peur
Il entre vite dans le jardin
les arbres le soulagent
ils filtrent la lumière éclatante, éblouissante
L’herbe mouillée lui fait penser à des jours plus tranquilles
Il ferme les yeux, tout se calme
mais ces couleurs, ces bruits, pèsent sur lui
Il entend toujours cette voix qui lui dit
«vas-y plus vite, cours, cours, cours»
Puis il la sent dans toute sa richesse
doucement lui percer la peau, la chair, le cœur
Petit à petit le film se ralentit devant ses yeux
et il se réjouit
Tout s’engourdit en lui
tout devient plus beau
Jules Delavigne, 1991