A une enfant
Que ta voix à travers les portes et les murs
Me trouve enfin dans ma chambre, caché par la poésie,
O enfant qui es mon enfant,
Toi qui as l’étonnement de la corbeille peu à peu
garnie de fleurs et d’herbes odorantes
Quand elle se croyait oubliée dans un coin,
Et tu regardes de mon côté comme en pleine forêt
l’écriteau qui montre les routes.
La peinture est visible à peine,
On confond les distances
Mais on est rassuré.
O dénuement!
Tu n’es même pas sûre de posséder ta petite robe
ni tes pieds nus dans tes sandales
Ni que tes yeux soient bien à toi, ni même leur
étonnement,
Ni cette bouche charnue, ni ces paroles retenues,
As-tu seulement le droit de regarder du haut en
bas ces arbres qui barrent le ciel du jardin
Avec toutes ces pommes de pin et ces aiguilles, qui
fourmillent?
Le ciel est si large qu’il n’est peut-être pas de place
en dessous pour une enfant de ton âge,
Trop d’espace nous étouffe autant que s’il n’y en
avait pas assez,
Et pourtant il te faut, comme les personnes grandes,
Endurer tout l’univers avec son sourd mouvement;
Même les fourmis s’en accommodent et les petits des
fourmis.
Comment faire pour accueillir les attelages sur les
routes, à des vitesses différentes,
Et les chaudières des navires qui portent le feu sur
la mer?
Tes yeux trouveraient dans les miens le secours que
l’on peut tirer
De cette chose haute à la voix grave qu’on appelle
un père dans les maisons
S’il ne suffisait de porter un regard clair sur le monde