Au creux du monde
Long descendant des cavernes, des païens et des
chrétiens,
Et des monts noirs en arrêt sur la rivière tordue,
Voici deux mètres de chair sous la voûte où sont les
sphères,
Des omoplates portant leur poids fixe d’infini
Sans que se courbe la tête,
Les deux pieds en équilibre
Nus sur la terre rapide,
Un cœur divisant le temps,
Des yeux colorant l’espace.
Que sa chair assombrie est résonnante
Et comme il voudrait enfin régir toutes ces rumeurs!
Il écoute dans le silence extérieur immaculé
La plainte opaque de ses mains,
Pirogues mélancoliques sur des souvenirs ensablées.
Se pourrait-il
Qu’il tombât sous l’innombrable fusillade des étoiles?
Ses passions échappées tourmentent l’air longuement,
Éprouvant l’espace, virent
Et retournent dans son âme.
A l’horizon le
Destin érige un torse escarpé
Avec ses longues paupières serrées comme des
mâchoires,
Il barricade les routes,
Même celles, même celles qui montent vers l’infini,
Interceptant l’air candide qui veut descendre du cieL
Attention! voilà l’homme qui bouge et qui regarde à
droite et à gauche;
Le voilà qui se lève et sa face crépite comme torche
résineuse,
Le voilà qui s’avance foulant les hautes herbes du ciel.
Son ombre ne le suit plus, comme sur la
Terre fatiguée,
Et le voilà qui se mire dans la
Lune où il ajuste son
regard,
Et qui donne au loin les ordres dont toute sa voix
est comblée.
Sa puissance circulaire rabat vers lui les lointains
Et l’on voit s’acheminer les étoiles scrupuleuses.
Le vieux sang noir de la nuit roule dans son propre
sang
S’y mêlant au sang du jour dans l’abîme des cascades !
Tout s’absorbe et s’unifie dans son âme sans attente,
L’univers n’est plus en lui qu’un grognement étouffé,
Une famine allongée, ainsi qu’avant la
Genèse.