Disparition

Jules Supervielle
par Jules Supervielle
1 vues
0.0

Vois, il est vide ce lit, bouleverse les couvertures,
Agite les draps en tous sens comme s’ils me cachaient

encore,
Défonce le matelas au cas où je ne serais plus que

de la laine cardée!
Il n’y a plus personne dans cette couche à deux

places que j’occupais dans son entier,
Il n’y a pas un pli à la descente de lit
Et les rideaux sont endormis dans les bras l’un de

l’autre.
Entre dans ce train, fouille sous les banquettes,
Parle au chauffeur de la locomotive d’un air confidentiel,
Interroge le chef de gare à mots couverts,
Là, plus près de son visage, jusqu’à en toucher les

poils, de tes lèvres blêmes.
L’homme que tu cherches était bien dans le train

mais il n’y est plus!
Us sont deux employés et trois femmes qui ont vu

son chapeau de paille
Et ne savent rien d’autre.

Celui qui prononce ces mots à ton oreille

Bien qu’il se trouve peut-être très loin de toi

Comme ce haut-parleur qui vous poursuit partout dans les
Expositions

Et on se demande d’où il vous arrive

Celui qui dit ces mots, où est-il?

A-t-il une main encore (ou deux) avec ses cinq doigts dont un orné d’une bague

Ou de plusieurs,

Un appareil circulatoire comme une décoration interne et compliquée?

Ou bien se passe-t-il de reins pour montrer sa toute-puissance?

Récite-t-il la nuit sa prière

Pour pouvoir discuter d’égal à égal avec les
Seigneurs de son sommeil?

S’en est-il allé de l’autre côté

De ce qui te hante toujours?

Avant un suicide intéressé

S’est-il installé au
Panthéon des
Grands
Hommes,
A-t-il repoussé à droite et à gauche
Deux pensionnaires considérables
Pour se faire une place d’homme qui a beaucoup galopé dans sa vie?

Ce n’est pas moi qui te renseignerai.
Fais ton métier.
Je fais le mien.

Ne cherche plus à devenir l’allié de mon squelette,
Bête blanche et silencieuse,
Tapie au meilleur de nous-mêmes

Et qui nous saute à la gorge au premier moment

d’inattention.
Qu’il te suffise de savoir
Si oui ou non
Tu m’as poussé sur la voie
Hors du train, en pleine vitesse,
Sous prétexte que tu manquais d’air,
Si tu as posé des questions hypocrites
En désignant un pardessus, une valise dans un coin : «
Avez-vous vu mon compagnon, le
Seûor
Guana-

miru?
Ah! les gens ne disent plus où ils vont ni d’où ils

viennent
Et l’homme disparaît devant vous comme de l’eau

dans la mer. »

Jules Supervielle

Qu’en pensez-vous ?

Partagez votre ressenti pour Jules Supervielle

Noter cette création
1 Étoile2 Étoiles3 Étoiles4 Étoiles5 Étoiles Aucune note
Commenter

Les mots sont les pierres précieuses de la poésie. Partagez les vôtres ici.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Découvrez d'autres poèmes de Jules Supervielle

Aucun poème populaire trouvé ces 7 derniers jours.

Nouveau sur LaPoesie.org ?

Première fois sur LaPoesie.org ?


Rejoignez le plus grand groupe d’écriture de poésie en ligne, améliorez votre art, créez une base de fans et découvrez la meilleure poésie de notre génération.