Iguazu
ravers la
Pampa n’ayant pour relief
que des vaches condamnées à brouter dès le premier tremblement du jour
jusqu’à ce que l’herbe ait un goût de crépuscule,
roule le train comminatoire qui vise de tout son fer le
Nord guarani.
Tout d’un coup voici un palmier en pleine campagne,
un palmier d’origine, un palmier de chez lui,
premier avertissement des tropiques proches,
puis me petite palmeraie
qui fait front de toutes parts
puis des palmiers qui vont les uns engendrant les autres,
tous forcés par le train en fureur
à glisser sans bruit vers l’arrière
dans la plus complète obéissance,
tout ce qui était devant passant brusquement
de la forêt, au souvenir,
et ne devant vivre désormais en moi
que dans la confusion d’images bien battues par le train tenace
comme des cartes d’auberge par des mains soupçonneuses.
Mais la forêt se fait si dense qu’elle a arrêté le
train.
Sur le fleuve maintenant
flottent le navire à roues et ma pensée
tandis que glissent des bacs
couverts de cèdres frais-coupés et déjà rigides comme
des
Indiens morts; on n’entend même pas la respiration de la forêt dans le paysage brûlé de silence.
La sirène à vapeur du navire arrêté déchire le paysage
cruellement, de son couteau ébrécbé.
Les caractactes de l’Iguazu
sous la présence acharnée d’arbres de toutes les tailles
qui tous veulent voir, les cataractes,
dans un fracas de blancheurs, foncent en mille fumantes perpendiculaires violentes comme si elles voulaient traverser le globe de part en part.
Les cordes où s’accroche l’esprit, mauvais nageur, se cassent au ras de l’avenir.
Des phrases mutilées, des lettres noires survivantes se cherchent, aveugles, à la dérive pour former des îlots de pensée et soudain, comme un chef fait l’appel de ses hommes
après l’alerte,
je compte mes moi dispersés que je rassemble en
toute hâte.
Me revoici tout entier
avec mes mains de tous les jours que je regarde.
Et je ferme les yeux et je cimente mes paupières.