La métisse

Jules Supervielle
par Jules Supervielle
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Depuis dix ans ils avaient vécu à vingt lieues d’un

sourire de femme, leurs yeux ne s’étaient allumés à d’autres yeux, leurs mains ne s’étaient rejointes autour d’un corps, ils tombaient épuisés par les dures chevauchées

derrière le bétail au galop de bois, n’ayant pour compagnons que les moutons monotones,

les vaches vagissantes, et des chevaux exténués

par une sécheresse de sept mois.
Vint une métisse énorme et jaune dont les lèvres

s’effaçaient et renaissaient en sourires, dont les regards s’échappaient au loin accouraient

en toute hâte puérile.
Son ventre vagabondait doucement sous son large

tablier rose-bleu, son col fléchissait comme celui des calandres et les gauchos confondaient son corps aux cuisses

obèses, avec les frêles adolescentes dansant sur la couverture

coloriée des almanachs de la
Capitale.
Comme
Indalecia se donnait à tous ses promesses formaient sur les murs du rancho

une frise de grappes douces

et le vieil accordéon pourri donnait de nouveau, la

nuit ‘

l’aigre grêle de ses notes qui eussent été fausses sans la métisse qui les refaisait à l’image de son

sourire, parmi la fumée du foyer et les étincelles.

Jules Supervielle

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