Marseille

Jules Supervielle
par Jules Supervielle
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Marseille sortie de la mer, avec ses poissons de roche,

ses coquillages et l’iode,
Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont

luisants d’eau marine,
Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras

comme pour se partager le ciel,
Et les cafés enfantent sur le trottoir hommes et femmes

de maintenant avec leurs yeux de phosphore,
Leurs verres, leurs tasses, leurs seaux à glace et leurs

alcools,

Et cela fait un bruit de pieds et de chaises frétillantes.

Ici le soleil pense tout haut, c’est une grande lumière

qui se mêle à la conversation,
Et réjouit la gorge des femmes comme celle des

torrents dans la montagne,
Il prend les nouveaux venus à partie, les bouscule un

peu dans la rue,
Et les pousse sans un mot du côté des jolies filles.
Et la lune est un singe échappé au baluchon d’un

marin

Qui vous regarde à travers les barreaux légers de la nuit.

Marseille, écoute-moi, je t’en prie, sois attentive,

Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur,

Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu

O toi toujours en partance

Et qui ne peux t’en aller,

A cause de toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer.

Jules Supervielle

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