Matinale
Mon âme donne sur la cour
Où quelques canaris pépient,
Une bonne dans l’ombre pie
Repasse ses vieilles amours.
Le lait du petit jour qu’on monte
Propose une âme et de l’espoir
Aux anneaux de l’escalier noir
Où tintent ses promesses promptes.
Ce sont les bruits clairs du matin,
Le jour nouveau qui me visitent,
Et ni moins vite, ni plus vite
Les pas serviles du destin.
Ce sont mes jambes de trente ans
Qui filent vers la quarantaine,
Sans que ni l’amour ni la haine
Ne les arrêtent un instant
Je retrouve à la même place
Mes os d’hier et d’aujourd’hui,
Parmi la chair vive et sa nuit
Mon cœur m’encombre et me grimace.
Plus de trente ans je me cherchai
Toujours de moi-même empêché,
Hier enfin je me vis paraître
Debout dans la brousse de l’être;
J’étais nu, le cœur apparent
Avec sa courbe et son tourment.
Je donnai à l’autre moi-même (Aussitôt nous nous reconnûmes)
Une poignée de main sereine
Ayant un petit goût posthume.
Il n’y eut pas même une larme,
Ce fut grave torride calme,
Et je me tendis une palme
Que je gardais depuis trente ans
Pour ce purissime moment.