Terre
Terre lourde que se disputent les cadavres et les arcs-en-ciel,
Des statues au nez brisé sous le soleil d’or incassable
Et des vivants protestataires levant leurs bras jusqu’aux nues
Quand c’est leur tour de s’offrir à tes abattoirs silencieux,
—
Ah! tu fais payer cher aux aviateurs leurs permissions de vingt-quatre heures,
A trois mille mettes de haut tu leur arraches le cœur
Qui se croyait une fleur dans la forêt du ciel bleu —
Serons-nous longtemps pasteurs de ta bergerie de nuages,
De tes monts chercheurs de ciel, des fleuves chasseurs de lune,
De tes océans boiteux qui font mine d’avancer
Mais vont moins vite sur les plages
Que des enfants titubant avec de pleins seaux de sable?
Aurons-nous encore du tonnerre dans cent quatre-vingt-dix mille ans,
La foudre, les quatre vents qui tournent sans rémission,
Les hommes nus enchaînés dans leurs générations
Et les roses pénitentes à genoux dans leur parfum?
Maudite, tu nous avilis à force de nous retenir,
Tu nous roules dans la boue, pour nous rendre pareils
à elle
Tu nous brises, tu nous désosses, tu fais de nous de
petits pâtés,
Tu alimentes ton feu central de nos rêves les plus
tremblants.
Prends garde, tu ne seras bientôt qu’une vieillarde
de l’espace,
Du plus lointain, du ciel on te verra venir faisant
des manières
Et l’on entendra la troupe des jeunes soleils bien
portants : «
C’est encore elle, la salée aux trois-quarts,
La tête froide et le ventre à l’envers,
La tenancière des quatre saisons,
L’avare ficelée dans ses longitudes! »
Et plus rapides que toi s’égailleront les soleils
Abandonnant derrière eux des éclats de rire durables
Qui finiront par former des plages bruissantes
d’astres.
Prends garde, sourde et muette par finasserie,
Prends garde à la colère des hommes élastiques,
Aux complots retardés de ces fumeurs de pipes,
Las de ta pesanteur, de tes objections,