Champ de Bataille Napoléonienne…
C’est indispensable d’avoir été le témoin d’un de ces conflits de multitudes pour savoir combien la vie est un songe.
Voici toute une division fauchée par la mitraille.
Qu’importe et qui donc aurait le temps de pleurer ?
Trente escadrons poussés par les
Furies la foulent aux pieds pour sabrer un peu plus loin les canonniers et les fantassins, avant de tomber eux-mêmes dans la lumineuse nuit des morts.
Puis la bataille a des flux et des reflux incessants, systole et diastole des armées en lutte.
Une position enlevée à grand effort est perdue et reconquise, combien de fois !
Une charge héroïque pouvant être crue décisive est arrêtée par un cyclone de feux ; les cavaliers à moitié détruits sont ramenés sur
l’infanterie qui les protégera comme elle pourra, ayant quelquefois un furieux besoin d’être elle-même protégée.
Mais la jonchée des morts s’épaissit et les âmes sorties du tombeau de leurs corps, les pauvres âmes auparavant ténébreuses, sachant enfin pour quoi et pour qui
elles ont si sauvagement combattu, ont été flotter là-bas, invisiblement, sur le tertre impérial, autour du
Maître visible qui les écarte de la main comme des pensées importunes…
Alors il regarde, une fois de plus, son champ de bataille et, tranquillement, « il fait trois pas, comme les
Dieux ».
De toutes ses combinaisons profondes, inefficaces jusqu’ici, jaillit soudain une
Manœuvre qui fait penser à
Hercule enfant éclaboussant tout le ciel du lait de l’épouse de
Jupiter.
Murât vient de passer comme un torrent, écrasant toute l’Europe, en une demi-heure, sur quatre kilomètres carrés, et
Napoléon n’a plus que quelques marches de ses soldats pour devenir l’Empereur de l’Occident.