Congo (pour trois kôras et un balafon)
Oho ! Congo oho ! Pour rythmer ton nom grand sur les eaux sur les fleuves sur toute mémoire
Que j’émeuve la voix des kôras Koyaté ! L’encre du scribe est sans mémoire.
Oho ! Congo couchée dans ton lit de forêts, reine sur l’Afrique domptée
Que les phallus des monts portent haut ton pavillon
Car tu es femme par ma tête par ma langue, car tu es femme par mon ventre
Mère de toutes choses qui ont narines, des crocodiles des hippopotames
Lamantins iguanes poissons oiseaux, mère des crues nourrice des moissons.
Femme grande ! eau tant ouverte à la rame et à l’étrave des pirogues
Ma Saô mon amante aux cuisses furieuses, aux longs bras de nénuphars calmes
Femme précieuse d’ouzougou, corps d’huile imputrescible à la peau de nuit diamantine.
Toi calme Déesse au sourire étale sur l’élan vertigineux de ton sang
O toi l’Impaludée de ton lignage, délivre-moi de la surrection de mon sang.
Tamtam toi toi tamtam des bonds de la panthère, de la stratégie des fourmis
Des haines visqueuses au jour troisième surgies du potopoto des marais
Hâ ! sur toute chose, du sol spongieux et des chants savonneux de l’Honune-blanc
Mais délivre-moi de la nuit sans joie, et guette le silence des forêts.
Donc que je sois le fût splendide et le bond de vingt-six coudées
Dans l’alizé, sois la fuite de la pirogue sur l’élan lisse de ton ventre.
Clairières de ton sein îles d’amour, coffines d’ambre et de gongo
Tanns d’enfance tanns de joal, et ceux de Dyilôr en Sep- tembre
Nuits d’Ermenonville en Automne – il avait fait trop beau trop doux.
Fleurs sereines de tes cheveux, pétales si blancs de ta bouche
Surtout les doux propos à la néoménie, jusque-s à la minuit du sang.
Délivre-moi de la nuit de mon sang, car guette le silence des forêts.
Mon amante à mon flanc, dont l’huile fait docile mes mains mon âme
Ma force s’érige dans l’abandon, mon honneur dans la soumission
Et ma science dans l’instinct de ton rythme. Noue son élan le coryphée
A la proue de son sexe, comme le fier chasseur de lamantins.
Rythmez clochettes rythmez langues rythmez rames la danse du Maître des rames.
Ah ! elle est digne, sa pirogue, des choeurs triomphants de Fadyoutt
Et je clame deux fois deux mains de tam-tams, quarante vierges à chanter ses gestes.
Rythmez la flèche rutilante, la griffe à midi du Soleil Rythmez, crécelles des cauris, les bruissements des Grandes Eaux
Et la mort sur la crête de l’exultation, à l’appel irrécusable du gouffre.
Mais la pirogue renaîtra par les nénuphars de l’écume
Surnagera la douceur des bambous au matin transparent du monde.