Poésie

La poésie : Définition

La poésie est un genre littéraire très ancien, aux formes variées, écrites généralement en vers mais qui admettent aussi la prose, et qui privilégient l’expressivité de la forme, les mots disant plus qu’eux-mêmes par leur choix (sens et sonorités) et leur agencement (rythmes, métrique, figures de style). Sa définition se révèle difficile et varie selon les époques, au point que chaque siècle a pu lui trouver une fonction et une expression différente, à quoi s’ajoute l’approche propre à la personnalité de chaque poète.

Poésie s’écrivait jusqu’en 1878 poësie (le tréma marquait une disjonction entre les voyelles o et e). Le terme « poésie » et ses dérivés « poète », « poème » viennent du grec ancien ποίησις (poiesis), le verbe ποιεῖν (poiein) signifiant « faire, créer » : le poète est donc un créateur, un inventeur de formes expressives, ce que révèlent aussi les termes du Moyen Âge trouvère et troubadour. Le poète, héritier d’une longue tradition orale, privilégie la musicalité et le rythme, d’où, dans la plupart des textes poétiques, le recours à une forme versifiée qui confère de la densité à la langue. Le poète recherche aussi l’expressivité par le poids accordé aux mots comme par l’utilisation des figures de style et au premier chef des images et des figures d’analogie, recherchées pour leur force suggestive.

La poésie s’est constamment renouvelée au cours des siècles avec des orientations différentes selon les époques, les civilisations et les individus. On peut par exemple distinguer le poète artiste soucieux d’abord de beauté formelle, le poète « lyrique » qui cultive le « chant de l’âme », le poète prophète, découvreur du monde et « voyant », ou le poète engagé, sans cependant réduire un créateur à une étiquette simplificatrice.

Histoire

Dans la mesure où il ne reste pas de traces d’une probable poésie orale préhistorique, il est nécessaire de faire débuter l’histoire de la poésie dans les différentes civilisations de l’Antiquité (grecque, égyptienne, indienne…). On notera toutefois que maintes traditions orales, par exemple celle des griots africains, relèvent de la poésie.

Origines

Dans l’Antiquité grecque toute expression littéraire est qualifiée de poétique, qu’il s’agisse de l’art oratoire, du chant ou du théâtre : tout « fabricant de texte » est un poète comme l’exprime l’étymologie. Les philosophes grecs cherchent à affiner la définition de la poésie et Aristote dans sa Poétique identifie trois genres poétiques : la poésie épique, la poésie comique et la poésie dramatique. Plus tard les théoriciens de l’esthétique retiendront trois genres : l’épopée, la poésie lyrique et la poésie dramatique (incluant la tragédie comme la comédie), et l’utilisation du vers s’imposera comme la première caractéristique de la poésie, la différenciant ainsi de la prose, chargée de l’expression commune que l’on qualifiera de prosaïque.

Le mot poésie évoluera encore vers un sens plus restrictif en s’appliquant aux textes en vers qui font un emploi privilégié des ressources rhétoriques, sans préjuger des contenus : la poésie sera descriptive, narrative et philosophique avant de faire une place grandissante à l’expression des sentiments.

En effet, première expression littéraire de l’humanité, utilisant le rythme comme aide à la mémorisation et à la transmission orale, la poésie apparaît d’abord dans un cadre religieux et social en instituant les mythes fondateurs dans toutes les cultures que ce soit avec l’épopée de Gilgamesh, (IIIe millénaire av. J.‑C.) en Mésopotamie, les Vedas, le Rāmāyana ou le Mahabharata indiens, la Poésie dans l’Égypte antique, la Bible des Hébreux ou l’Iliade et l’Odyssée des Grecs, l’Enéide des Latins.

La poésie – Technique

En linguistique, la poésie est décrite comme un énoncé centré sur la forme du message, donc où la fonction poétique est prédominante. Dans la prose au sens général, l’important est le « signifié », elle a un but « extérieur » (la transmission d’informations) et se définit comme une marche en avant que peut symboliser une flèche et que révèle la racine latine du mot qui signifie « avancer ». En revanche, pour la poésie, l’importance est orientée vers la « forme », vers le signifiant, dans une démarche « réflexive », symbolisée par le « vers » qui montre une progression dans la reprise avec le principe du retour en arrière (le vers se « renverse ») que l’on peut représenter par une spirale.

La poésie ne se définit donc pas par des thèmes particuliers mais par le soin majeur apporté au signifiant pour qu’il démultiplie le signifié : l’enrichissement du matériau linguistique prend en effet en compte autant le travail sur les aspects formels que le poids des mots, allant bien au-delà du sens courant du terme « poésie » qui renvoie simplement à la beauté harmonieuse associée à une certaine sentimentalité. L’expression poétique offre cependant au cours de l’Histoire des orientations variées selon la dominante retenue par le poète.

Formes poétiques

Traditionnellement, la poésie revêt la forme d’un texte versifié obéissant à des règles particulières en termes de métrique, de scansion, de rimes, s’inscrivant ou non dans une forme fixe. Cependant, la poésie moderne s’est affranchie du vers traditionnel, qu’il s’agisse de l’assouplir ou de s’en passer totalement.

Poésie versifiée

La mise en page du texte poétique est traditionnellement fondée sur le principe du retour et de la progression dans la reprise que figure l’utilisation du vers (régulier ou non), même s’il existe des formes métissées comme le poème en prose ou la prose poétique qui reprennent les caractéristiques du texte poétique (d’où leur dénominations) comme l’emploi des images et la recherche de sonorités ou de rythmes particuliers. Ces vers sont souvent regroupés en strophes et parfois organisés dans des poèmes à forme fixe comme le sonnet ou la ballade.

La poésie métrée utilise des vers définis par le nombre de leurs syllabes comme l’alexandrin français, alors que la poésie scandée joue sur la longueur des pieds (et sur leur nombre) comme dans l’hexamètre dactylique grec et latin, ou sur la place des accents comme dans le pentamètre iambique anglais. Le haïku (ou haïkou) japonais, qui a acquis une diffusion internationale, fait traditionnellement appel à trois vers de cinq, sept et cinq syllabes.

Vers libre, verset, calligramme

Les poètes modernes se libèrent peu à peu de ces règles : par exemple les poètes français introduisent dans la deuxième moitié du xixe siècle le vers libre puis le verset, et en remettant aussi en cause les conventions classiques de la rime qui disparaît largement au xxe siècle.

Des essais graphiques plus marginaux ont été tentés par exemple par Mallarmé (Un coup de dés jamais n’abolira le hasard), Apollinaire (Calligrammes) ou Pierre Reverdy, en cherchant à parler à l’œil et plus seulement à l’oreille, tirant ainsi le poème du côté du tableau.

Poème en prose

L’on ne saurait définir uniquement la poésie par l’utilisation de vers : la forme versifiée a été employée dans des ouvrages que l’on peut considérer comme des romans (tels ceux de Chrétien de Troyes), tandis qu’il existe, en revanche, une poésie en prose. Dès le xviiie siècle, apparurent des traductions en français de poèmes étrangers (et de « fausses traductions ») qui utilisèrent la prose plutôt que le vers. Certains commentateurs parlaient de « poèmes en prose » pour désigner des romans tels que les Aventures de Télémaque de Fénelon ou La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette. La naissance du genre du poème en prose en tant que tel est généralement associée à la publication par Aloysius Bertrand de Gaspard de la Nuit ; en effet, ce poète était, selon Yves Vadé, conscient de créer une forme nouvelle, même s’il n’utilisait pas le terme de « poèmes » ; c’est ensuite Charles Baudelaire, avec les Petits Poèmes en prose, qui « imposa le poème en prose comme une forme poétique reconnue ».

La poésie – Le travail de la langue

Si la poésie présente souvent une forte densité stylistique, donc un travail particulier sur la langue, tant s’en faut qu’il revête toujours la même forme. On notera ainsi que les règles traditionnelles de versification peuvent varier d’une langue à l’autre, et qu’il est également possible de s’en affranchir. Aussi les éléments qui suivent (métrique, rime, échos phoniques, recherche lexicale, figures de style…) sont-ils des ressources disponibles pour le poète, plutôt que des éléments définitoires de la poésie, d’autant plus qu’ils peuvent également apparaître dans des textes non-poétiques.

Typologie des genres et courants

La définition de genres poétiques a toujours été discutée en débattant de critères formels et/ou de critères de contenu (d’objet) et, par ailleurs, la poésie moderne en faisant éclater les genres traditionnels (poésie lyrique, épique, engagée, spirituelle, narrative, descriptive…) et en devenant une expression totalisante et libre rend encore plus difficile la catégorisation.

Cependant, sans s’enfermer trop dans la terminologie formaliste, on peut observer des « dominantes » clés dans l’expression poétique, Roman Jakobson définissant la dominante comme « l’élément focal d’une œuvre d’art » qui gouverne, détermine et transforme les autres éléments (voir Antoine Compagnon). L’opposition la plus simple se fait entre une orientation vers la forme (orientation « esthétique ») et une orientation vers le contenu (orientation « sémantique »), évidemment sans exclusion de l’autre puisque d’une part il y a sens dès qu’il y a mots et que, d’autre part, il y a expressivité formelle sans cela il n’y aurait pas écriture poétique. Cette dernière orientation multiple et complexe est parfois dite aussi « ontologique » (comme par Olivier Salzar), parce que renvoyant « au sens de l’être considéré simultanément en tant qu’être général, abstrait, essentiel et en tant qu’être singulier, concret, existentiel » (TLF). Son champ très vaste peut à son tour être subdivisé en trois dominantes (définies par le modèle du signe présenté par Karl Bühler : « Le signe fonctionne en tant que tel par ses relations avec l’émetteur, le récepteur et le référent ». Ces trois dominantes, là encore non exclusives, sont la dominante « expressive » ou « émotive » ou lyrique au sens étroit, tournée vers le moi du poète, la dominante « conative », orientée vers le destinataire que le poète veut atteindre en touchant sa conscience et sa sensibilité comme dans la poésie morale et engagée, et la fonction « référentielle », tournée vers un « objet » extérieur, vers le chant du monde dans des perceptions sensibles, affectives ou culturelles comme dans la célébration ou la poésie épique où le poète rend sensible la démesure des mythes.

Mais ce découpage n’est qu’un éclairage : la poésie, plus que tout autre genre littéraire, pâtit de ces approches des « doctes » alors qu’elle est d’abord la rencontre entre celui qui, par ses mots, dit lui-même et son monde, et celui qui reçoit et partage ce dévoilement. En témoigne par exemple une œuvre inclassable comme les Chants de Maldoror de Lautréamont.

Dans la poésie, l’essentiel demeure néanmoins la prise de conscience de la créativité et de la beauté de la langue. Pour l’amateur de poésie, « au commencement est le Verbe » et sa puissance créatrice qui nourrit la mémoire et « transforme la nuit en lumière ».

Source: Wikipedia

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