Reprise d’un cantique profane sur le thème de l’exil et de l’étranger
Non pas en exil.
Non pas étranger.
Solidaire des hommes et des bêtes
Solidaire des eaux, de la boue,
de la roche et des champs des forêts et forêts de constellations.
Graine de la grande tribu des sables et cailloux
de toute cellule vivante,
pétales de floraison dans le vent,
solidaire de la joie et de la douleur.
D’une patrie de pensée infinie
de toute connaissance limitée
clairières de notre pensée finie.
Solidaire d’une commune ignorance
de tous nos forages, explorations, recherches
de notre désir infini de comprendre —
de toute lumière et de promesse de lumière
qu’elle témoigne d’elle-même ou de la nuit,
de celle à certaines heures que respirent
au désert de Judée les pierres —
Solidaire d’une patrie de mouvement infini
des limites de nos ici et maintenant innombrables
Non, je ne suis pas en exil,
chez moi dans le jaillissement
dans la chute et dans l’usure
dans le diamant et la pacotille
chez moi dans la jubilation des eaux et des airs
et comment parler du mouvement sans bornes
sous les averses d’averses de photons
les vitesses de tant de rayonnements
dans la fraîcheur fragile du verger en fleur
rencontré ce matin de février sans nombre
dans l’éventail d’années et d’années de lumière —
je suis le marcheur qui respire l’ouvert
de tous ses poumons et dont le corps-cerveau
compose des images, musiques et langues,
je suis celui qui chante dans le chant
hors métrique et hors vocabulaire
les matins de toute vie et les soirs
et les nuits de solitude peuplées
de pensées qui s’envolent de leurs fenêtres
de tout ce qui se déplie, telles les eaux
que parcourt un battement d’aile dans la nuit
de l’eau solidaire de celui qui dort,
comme de celui qui écoute le poème au-dedans, au-dehors