À l’envers de ma porte

Louise de Vilmorin
par Louise de Vilmorin
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Ma peur bleue, ma groseille,

L’amour est une abeille

Qui me mange le cœur

Et bourdonne à ma bouche

Que tu nourris et touches

Des baisers du malheur.
Mon ange sans oreilles,

Ma peur bleue, ma groseille,

Ne viendras-tu jamais

À l’envers de ma porte ?

Es-tu de cette sorte

Ange sourd et muet ?
Tes mains sans teint, polies

Au jeu de tes folies,

Se mouillent à mes yeux

Et tu ris de ces fleuves

Où naviguent mes vœux

Parmi tes robes neuves.
Ne me donneras-tu

Que ton chapeau pointu

À porter ma sorcière,

Et nul autre baiser

Que ces nids de danger

Et ces ruches entières ?
Ne me permets-tu pas

De t’enlever tes bas

À l’envers de ma porte ?

Je veux voir tes pieds nus

Et les abeilles mortes

Du bonheur revenu.
Mon ange sans oreilles,

Ma peur bleue, ma groseille

Posée sur mes désirs,

Ma chambre est grande ouverte

Que coupe l’allée verte

Par où tu dois venir.
Ma peur bleue, ma groseille,

Viens à fleur de mes veilles

Et que tombe le jour

À l’envers de ma porte.

Et que le vent emporte

Le chemin du retour

1939

Louise de Vilmorin

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