Le Sable du sablier
Sur le Danube en février
Les longs îlots d’herbe frissonnent,
Ce sont des tombeaux oubliés
Que la brume d’oubli couronne.
Les souvenirs y sont couchés
Pareils à des anges malades,
Les souvenirs anges cachés
Au cœur d’anciennes promenades.
Le fleuve glisse bras ouverts
À la poursuite d’un visage
Et fait danser tête à l’envers
Les amants en pèlerinage.
Quand meurt aux abords de l’Été
Le grand vent qui souffle d’Asie
Le papillon vient grelotter
Sur ces tombeaux de fantaisies.
Oh ! fantaisie ! Oh ! vérité !
L’heure est partie en étrangère
De ces souvenirs désertés
Dont elle fut la passagère.
Gardienne de ces reposoirs,
La ronce, négresse en broussailles,
Vient apporter ses bijoux noirs
Au pied du lit des épousailles.
Mais les anges n’ont d’autre ami
Que ce fleuve au destin tranquille
Et leurs noms se sont endormis
Sous l’herbe haute de ces îles.
Sur le Danube en février
La mouette lourde et sauvage,
Dans le sable du sablier
Ensable à jamais nos images.
1945