Le coucher d’un petit garçon
Regarde : plus de feux, plus de bruit. Tout se tait.
La lune tout à l’heure à l’horizon montait,
Tandis que tu parlais.
Victor Hugo.
Couchez-vous, petit Paul ! il pleut. C’est nuit, c’est l’heure.
Les loups sont au rempart, le chien vient d’aboyer.
La cloche a dit : « Dormez ! » et l’ange gardien pleure
Quand les enfants si tard font du bruit au foyer.
« Je ne veux pas toujours aller dormir, et j’aime
À faire étinceler mon sabre au feu du soir.
Et je tuerai les loups ! je les tuerai moi-même ! »
Et le petit méchant, tout nu ! vint se rasseoir.
Où sommes-nous, mon Dieu ! donnez-nous patience ;
Et surtout soyez Dieu ! soyez lent à punir !
L’âme qui vient d’éclore a si peu de science !
Attendez sa raison, mon Dieu ! dans l’avenir.
L’oiseau qui brise l’œuf est moins près de la terre ;
Il vous obéit mieux : au coucher du soleil,
Un par un descendus dans l’arbre solitaire,
Sous le rideau qui tremble ils plongent leur sommeil.
Au colombier fermé nul pigeon ne roucoule ;
Sous le cygne endormi l’eau du lac bleu s’écoule ;
Paul ! trois fois la couveuse a compté ses enfants ;
Son aile les enferme ; et moi, je vous défends !
La lune qui s’enfuit, toute pâle et fâchée,
Dit : « Quel est cet enfant qui ne dort pas encor ? »
Sous son lit de nuage elle est déjà couchée ;
Au fond d’un cercle noir la voilà qui s’endort.
Le petit mendiant, perdu seul à cette heure,
Rôdant avec ses pieds las et froids, doux martyr !
Dans la rue isolée où sa misère pleure,
Mon Dieu ! qu’il aimerait un lit pour s’y blottir !
Et Paul, qui regardait encor sa belle épée,
Se coucha doucement en pliant ses habits ;
Et sa mère bientôt ne fut plus occupée
Qu’à baiser ses yeux clos par un ange assoupis !