Chant d’une nuit d’été
Le soir de la Saint-Jean,
À la minuit dorée,
Dans le bonheur des champs,
Je me suis égarée.
Dans le pré le plus fol
J’ai rencontré l’Année.
Le chant du rossignol
À minuit l’a menée.
De chèvrefeuille blond
La tête couronnée,
L’Année aux cheveux longs,
De lune environnée…
Le Roi de l’An parti
Pour sa grand-chevauchée,
Le Soleil du midi
Tout le jour l’a cherchée.
Voici le soir d’amour,
La belle s’est levée…
Le Roi qui fait le tour
Du monde l’a trouvée.
«Arrête, ô mon cheval !
J’ai ma route oubliée…
Voici ma mie au val.
Ma belle mariée. »
Le Roi sous la douceur
Du saule l’a baisée.
Il prend son doigt en fleur
Dans l’anneau d’épousée.
La nuit de la Saint-Jean,
À la minuit passée,
Sous le saule d’argent
Il la tient embrassée.
………………………………..
Mais au bout de la nuit
– Quels pleurs m’ont appelée ? –
J’entends la nuit qui fuit,
J’entends l’heure écoulée,
Et le trot du cheval,
Qu’emporte la journée
Et le frisson du val,
Et l’herbe abandonnée,
Et la douceur des mois
Jour à jour en allée,
Et la douleur des voix
D’automne inconsolées …
J’entends l’amant qui part,
J’entends pâlir l’Année,
Des fols cheveux épars,
Sa couronne fanée…
«Soleil, ô mon époux,
Toute à vous enlacée,
Le temps qui tourne en vous
Hors de vous m’a chassée !…
– Que faites-vous, ma mie ?
– Hors de vous je m’en vais.
– Où courez-vous, ma mie ?
– Me perdre au temps mauvais.
– Qui vous conduit, ma mie ?
– Le vent qui ne sait où.
– Que cherchez-vous, ma mie ?
– Un lieu sans moi ni vous.
– Qu’attendez-vous, ma mie ?…
– Votre cœur un instant
Pour y quitter ma vie,
Pour vous pleurer dedans.
Un instant sous le saule,
Le plus long, le plus court,
Au creux de votre épaule,
Pour un mourir toujours. »