Ode triomphale à la gloire des muses romanes
( Io! le Délien est né !
J. Tahureau. Ode à Estienne Iodelle)
Si, parjure aux Grâces attiques,
D’une brosse maldocte elle a,
A quatre épaisseurs d’encaustique,
Vernissé la Minerve antique
Du plus barbare des éclats ;
Ou que, d’une bouche sans foudre,
Elle ait, parodique, tenté
La buccine par quelle en poudre
Jéricho vit son mur dissoudre,
Et s’en soit la gueule éclaté :
Muses doctorales ! Charites !
Maudissez l’oeuvre impur et vain
De celle de vous qui, du rite
Affronteuse ou bien mal instruite,
Au Pinde éternel contrevint !
Que ta juste nappe, ô Jodelle !
Pour sa bouche n’ait plus de mets ;
Que, bâtard, son flanc n’ait plus d’aile
Et que sa sandale infidèle
Ne foule plus les purs sommets !
Mais s’elle a, dans la glaise cuite,
Pétri de dix doigts tortueux
La défaite d’Io dépite
Tombant lasse de la poursuite
Aux bras de Pan voluptueux;
Ou s’elle a, rompante les vignes,
Nourri de soleil vingt flacons :
Muses ! l’élisez la plus digne
Et le soin de sa main provigne
Les vergers pompeux d’Hélicon !
Et puis ordonnez, beauriantes,
Vous, ô beauballantes enfants,
Que la rose et le mélianthe
Se tordent en tresses brillantes
Autour de son front triomphant !
Puis, ô vous, beauchantante troupe,
Fêtez ! puis ô vous et chantez
Celle mieux chère à Callioupe
Pour qui va tonner dans la coupe
Le vin de l’Immortalité !
Tu le sais, toi, Muse, ma mère !
Si de toi l’honneur que j’attends,
Autre fut jamais que d’Homère
Renouer la corde primaire
A la lyre des nouveaux temps !
Tu sais si ma joue, au barbare
Implacable et riche en haros,
N’a rompu les flûtes avares
Et tordu l’airain de Pindare
Avec le poumon des héros !
Tu sais si mon bras, grave aux taures,
Les a pas, beuglantes, courbé’s
Et si j’ai, vidant sa pléthore,
Plongé dans la tripe au Centaure
Toute la longueur de l’épé’!
Et si jamais soye autre trace
Que poursuivie aije et suivrai
Que de rendre le luth de Thrace,
Le luth de Ronsard et d’Horace,
A Ce Moréas bien lauré !
Les Odes