L’Objectivite Poétique
Guerre des errants et des guides
A rebours de la peur
A rebours des conseils
Loin des rives les plus sensibles
Fuir la santé des mers
Espoir des premiers pas
Fuk les couleurs inhumaines
Des tempêtes aux gestes mous
Matin brisé dans des bras endormis
Matin qui ne reviendra pas
Reflet de rousse qui s’éteint
Les seins aigus les mains aimables
A coups de fouet l’offre de soi
Rien ne vaut le malheur d’aimer
Rien le malheur
L’écume détournée
Abrège la sentence qui monte aux lèvres
Qui va au cœur
Qui s’effondre avec un rire d’origine
Un rire aveuglant.
Fragile douloureuse et marquée à l’épaule
Des cinq doigts qui l’ont possédée.
Le long des murailles meublées d’orchestres décrépits
Dardant leurs oreilles de plomb vers le jour
A l’affût d’une caresse corps avec la foudre
Le sourire faucheur des têtes basses
L’odeur du son
Les explosions du temps fruits toujours mûrs pour la mémoire.
Même quand nous sommes loin l’un de l’autre
Tout nous unit
Fais la part de l’écho
Celle du miroir
Celle de la chambre celle de la ville
Celle de chaque homme de chaque femme
Celle de la solitude
Et c’est toujours ta part
Et c’est toujours la mienne
Nous avons partagé
Mais ta part tu me l’as vouée
Et la mienne je te la voue.
Et tes mains de pluie sur des yeux avides
Floraison nourricière
Dessinaient des clairières dans lesquelles un couple
s’embrassait
Des boucles de beau temps des printemps lézards
Une ronde de mères lumineuses
Retroussées et précises
Des dentelles d’aiguilles des touffes de sable
Des orages dénudant tous les nerfs du silence
Des oiseaux de diamants entre les dents d’un lit
Et d’une grande écriture charnelle j’aime.
Tant de rêves en l’air
Tant de fenêtres en boutons
Tant de femmes en herbe
Tant de trésors enfants
Et la justice enceinte
Des plus tendres merveilles
Des plus pures raisons
Et pourtant
Les heureux dans ce monde font un bruit de fléau
Des rires à perdre la tête
Des sanglots à perdre la vie
Les yeux la bouche comme des rides
Partout des taches de vertu
Partout des ombres à midi.
Colère miel qui dépérit
L’abri des flammes se consume
C’en est fini de voler au secours infâme des images
d’hier
La perfection sylvestre la fine mangeoire du soleil
Les fondantes médailles de l’amour
Les visages qui sont des miettes de souhaits
Les enfants du lendemain le sommeil de ce soir
Les mots les plus fidèles
Tout porte de noires blessures
Même la femme qui me manque.
Paul Eluard