Marines
I
Je me suis pris à caresser
La mer qui hume les orages
II
Ma bouche au ras des flots buveuse de paroles
Prenant l’or au soleil sur un chemin d’or chaud
Comme foule pressée entraînée exaltée
Les vagues les étés dans cet arbre ajouré
Dans cet arbre accessible aux couleurs et aux hommes
Leur azur leur ciel pur le mélange des eaux
Leur dentelle et la flamme du matin désert
Deux vallées trois sommets s’unissent font la chaîne
L’océan qui me mène a le destin du ciel
Et la vague initiale amenuise un nuage.
III
Miroir ouvert sur ces oiseaux uniques
Qui tremblent d’aise à chaque goutte d’eau.
IV
L’herbe grande d’océan
Sur les sables assoupis
La fleur de fille marine
Les astres vierges en fête
Midi blanc dans les fonds noirs
Et dans le filet l’hiver
L’injure jetée au vent À la vague du tombeau.
Tout au plus un navire
Tout au plus un navire à demi englouti
Comme un poignard dans sa blessure
Connaît encore l’ombre
Tout au plus un radeau
La mort simple
Et la mer est plus vide qu’un ivrogne pauvre.
VI
Dernière vague ivresse de vieillard
Les solubles coteaux et la lune risible
N’ont trouvé dans mon cœur qu’un espace restreint
Et la mer dans le ciel n’est qu’une goutte d’eau.
Paul Eluard