Un Soir Courbé
Le vent tirait au faisan
Un œil fermé l’autre en bonds clairs
Bulle d’orage hors chemins
Dépassait la pluie embourbée
Un grand frisson ridait d’acier
La poursuite au fil de son sang
La ville folle qui remet tous les jours ses souliers
N’ai-je pas appris à franchir
D’un climat à l’autre les mois
A la suite les années
J’ai mesuré mon impatience
Aux femmes que j’imaginais
On ne mesure pas le désordre
Pourtant
C’est par la femme que l’homme dure
La forge son vin sous la glace
Au carrefour domptait la nuit
Avide fascinée soumise
Comme aux pointes des seins la robe
Comme la proie à son amant
Ailleurs au contraire
Une vague noire qui comble le cœur
Dans des souterrains infinis
Sensible retour à tâtons
Des serpents continuent leur course
Vers le lait lisse d’un seul jour
Vers la verdure du ciel fixe
Qu’un enfant montrera du doigt
Une aile une seule aile rien qu’une aile
Inutile pénible
J’avais des rêves que les femmes Éparpillaient de leurs caresses
Pour me reprendre dans leur ombre
Si j’ai commencé par les femmes
Je ne finirai pas par moi.
Paul Eluard