Tristia

Paul Verlaine
par Paul Verlaine
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Je n’avais pas connu l’Ennui,
Pourtant jusqu’au jour d’aujourd’hui
Je vivais et mourais de lui.

Ce depuis l’atroce journée
Où, pauvre âme au ciel ramenée,
J’ai méconnu ma destinée.

Ramenée au ciel, et comment ?
Par le fait logique et charmant
D’un grand miracle assurément,

Par la conversion soudaine
D’un coeur voué tout à la haine
En un d’une onction sereine.

Puis m’investit un désir fou
À la fois furieux et mou
Qui m’allait entraînant jusqu’où ?

Adieu, l’émoi pur et candide
Vers l’idéal sûr et splendide,
Pour quel souci bas et sordide ?

Adieu les belles oraisons,
La rosée autour des toisons,
La prière aux ardents buissons !

Des querelles sans fin ni trêve,
Toujours quelque violent rêve,
Une vie à se dire : Crève !

Par degrés cet enfer pourtant
S’alanguissait, non pénitent,
Hélas ! en limbes fades tant !

Rien désormais qui ne soit vague,
Ne déraisonne et ne divague…
Évêque ayant perdu sa bague,

Magicien sans talismans,
Pôle privé de ses aimants,
Tel, moi, monde aux morts éléments !

Ô le remède, le remède !
Pauvre âme folle, souvienstoi :
Jésus terrible et doux, à l’aide,

Seigneur, pour encore la Foi !

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