La fortune envieuse
La fortune envieuse,
Voyant mon jour passer,
De la nuit est joyeuse
Pour me faire penser
Vrai ce que le Ciel dit
Pour se mettre en crédit.
Mais savoir n’ai envie
Des Planètes le cours
Pour connaître ma vie,
Ayant autre discours :
Car tant que je verrai
Mon jour, je ne mourrai.
Ne trouve point étrange,
Si, quand ne le puis voir,
Je me trouble, et me change,
Tant qu’il me faut douloir
Du mal, que mon coeur sent,
Quand de moi est absent.
Ce que j’y suis tenue
Ne me fait tant l’aimer,
Que sa vertu connue
Me contraint l’estimer,
Par son los tant requis,
Qui m’est honneur acquis.
Sa grâce accompagnée
Plus qu’à nul j’ai pu voir :
Par quoi pour lui suis née,
D’autre je n’ai vouloir :
Les Dieux pour moi l’ont mis
Au bout des vrais amis.
Ô amitié bien prise,
Que j’ai voulu choisir
Par vraie foi promise,
Qui mon coeur vint saisir,
Quand honneur s’allia
Au bien, qui nous lia !
Ma fortune accomplie
En mon heureux séjour
De plaisir fut remplie,
Quand j’aperçus mon jour :
Qui bien connu l’aura,
Mon ami aimera.
Heureuse destinée
En mon heur apparaît,
Ne sachant femme née
Qui peut, ne qui saurait
Éviter la moitié
De sa noble amitié.
D’être d’autres requise
N’y veuillez point venir :
Car je suis tant apprise
Que j’ai pour souvenir
La grandeur de son coeur
Être du mien vainqueur.
Et si je n’ai la grâce
Pour mériter d’avoir
Ce bien, et qu’on pourchasse
De le me décevoir,
Ma fermeté fera
Qu’il se contentera.
(Chanson IV)
Rymes