Mômerie des cinq postes d’Amour
LE PREMIER POSTE
Amour, craignant qu’ayez abandonné
Lui et son train, en éloignant sa cour,
Soudainement m’a ce paquet donné,
Me commandant par le chemin plus court
Vous faire entendre, ainsi que le bruit court,
Qu’il n’y aura de vous belle ni laide
Si ainsi est qu’il ne laisse tout court
Pleurer en vain son secours et son aide.
LE SECOND
J’ai dépêché hâtivement
Ce Courrier, pour tant seulement
Vous aller deux petits mots dire
Que je n’ai eu loisir d’écrire.
Si lui donnez créance et foi,
Comme vous voudriez faire à moi
Par celui qui, dessous ses ailes,
Range le coeur des Damoiselles.
LE TIERS
Amour, qui au vif m’a tâté
Du haut renom de vos louanges,
M’a de si loin, et tant, hâté
Que, sans craindre chemin gâté
De tant de pluies et de fanges,
Et sans dormir que tout bâté,
Suis venu voir vos faces d’Anges,
Que je trouverais bien étranges,
Si, après avoir tant couru,
Je n’étais de vous secouru.
LE QUART
Si vous voulez qu’Amour, ce puissant Dieu,
Ait chez vous tant soit petite place :
Certes il veut loger tout au milieu,
Et plus haut lieu de votre bonne grâce.
Si le voulez, je vous puis dire en face
Que, nonobstant que je sois son Courrier,
Si veutil bien que tant vers vous je fasse,
Que je lui serve à présent de fourrier.
LE CINQUIÈME
Ce petit Dieu, qui s’est fait maître
Des tendres coeurs des Damoiselles,
M’a fait, je ne sais comment, naître
Un doux espoir plein d’étincelles,
Que, qui court pour Dames si belles,
Ne souffre travail ni émoi.
S’il est vrai, je ne veux pour elles
Épargner mon cheval, ni moi.
(Rymes LVLIX)
Rymes