IntroÏt
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second Que je me fonde immobile en moi-même Que jailli d’un seul jet lisse et nu comme un fût Le rocher de mon talon soit l’abîme Que l’air soit tout autour indistinct de ma peau Et le crâne du Vide une sainte montagne Où le Soi l’épousant de la plante des pieds Éprouve son absolu à sa courbe
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second Il me suffit d’être là qui fais face D’être en toute chose immobile à tel point Que je me sente extatiquement ne pas être Mon corps qui ruisselle sur lui-même en torrent Fait en moi un bruit de temps qui s’écoule Bruit de plus en plus loin de la source sondant Son écho dans la fine oreille du gouffre
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second Il ne suffit pas que je m’abolisse Tout doit être éternellement hormis moi Moi d’âge en âge néant à moi-même Inconcevable absolument non conçu Qui n’offre à la Cause nulle substance Pour que monte de ce néant toute essence Sans que la Cause soit troublée de moi
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second
Personne sur l’aire sacrée
L’haleine sans lèvres embue le silence
Les pies en criant pillent le figuier
Un chien à grandes foulées flaire l’herbe
Et force son museau dans la haie
L’âme la brume des vallées de l’enfance
Est évoquée respirée exhalée
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second L’Un sans second s’oublie en personne Strideur de cigale éblouissante est ce Rien Dans l’intervalle des éons où il crée Un premier pas à la pointe de l’aube La rosée matinale aux jarrets Tel est l’en deçà de l’innombrable Origine L’Hymne à l’Un sans second
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Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second Que je scrute son autre Face cruelle Que sa mauvaise joie montant du fond de moi Me soit le rayon noir de l’abîme Que l’odeur de charnier sempiternel la Vie Me colle après plus que ma peau même Que le ciel soit la peau tendue à l’infini De tout être écorché de ce monde
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second Il faut souffrir souffrir sans mesure Être en toute chose vulnérable à tel point Que le sang soit l’intarissable extase de l’Être Sang de tout l’univers sans fin recommençant Dont tout cœur est l’unique gésine Recueillant goutte à goutte interminablement La Douleur toujours à naître des mondes
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second Que je sache quel bourreau je puis être Tout doit être ici-bas ma victime sauf moi Moi voyeur provoquant l’holocauste A force de néant attentif devenu Cet Œil jamais repu de la Cause De tourment en tourment avide vainement De raisons de Se nier Elle-même
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second Sur l’aire sacrificielle personne L’aigle ravit si haut le lièvre qu’à eux deux Ils ne font même pas un point dans le Vide L’enfant s’endort sur sa paléontologie Tandis que ses grands sauriens se dévorent Dans la nuit d’un présent où s’éloigne sans fond Son âme qui en surface s’ignore
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second L’Un sans second se dépèce en personnes Il n’est pas un vivant dont la souffrance ne soit La somme de toute douleur impensable C’est déjà dès l’effort du nouveau-né pour percer Ce faix des mondes qu’expulse la mère Que veut naître Syllabe aphone et plénière L’Hymne à l’Un sans second
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Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second Que le monde s’accouple avec l’âme Que l’amour par degrés sans jamais s’égarer Se mue en sa nature infernale Que j’ose voir l’enfer partout dans l’univers Et dans mon plus secret alliage Qui fait de l’absolu cette soif ambiguë D’aimer jusqu’au bout de la haine
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second Cest deux temps en un seul qu’il faut vivre L’affreux temps successif causalité liée Sans cesse de mort en mort à la Vie Et cette autre durée en tout simultanée Qui ruisselle d’elle-même éternelle Chaque instant électron étant l’éternité Dans un battement de paupières
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second
La terreur suscite le souffle
Mais de cette terreur à la toute-bonté
La nuance est d’un froissement d’ailes
L’aile du Paraclet sur l’enfer c’est le feu
La roussette au ciel c’est l’aurore
Une seule nature de la flamme à l’esprit
Brûle éclaire transfigure dévore
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second Il n’est devant l’autel que la cendre Et en chaque atome de cendre l’esprit Lui enseigne le bonheur d’être cendre La faveur de s’être en soi consumée Par amour de sa nature de flamme Par amour de ce messager exténué Qui advient quand expire son âme
Pour entonner l’Hymne à l’Un sans second L’Un sans second réunit ses personnes Il en est le baume cicatrisant toute plaie Par où elles sont nées de Lui-même Il en est le silence où font rage les cris De toutes leurs guerres ensemble Silence inextinguible où en Soi-même enfin L’Un sans second S’éteint