Origine
L’homme qui s’exerce à bien prendre son souffle et qui est capable de le suspendre longtemps
Même s’il l’ignore il contemple et médite l’infini concentré de la primordiale Syllabe.
Chaque fois qu’il se tient en face et respire tel un paysan au début du sillon
Il sent sous ses pieds la terre émerger et l’odeur d’humus qui lui monte aux narines.
Rien n’est que la brume à un pas de lui et l’angoisse d’être avant
toute naissance Lui-même il serait dissous dans le Rien n’était son haleine dont il
est certain. Son thorax gonflé est son seul univers dont la pression lui dilate les côtes L’Être en lui avant de sortir de Soi-même y jouit à se rompre de son
propre absolu. Ainsi fait la Syllabe qui non dite à jamais est pourtant itérée d’âge en
âge et sans cesse Simultanément par la Voix sans organe où l’unique origine se succède
en écho.
Il n’y eut jamais d’origine du Souffle seulement l’écho du non-dit absolu Écho de soi-même innombrablement qui forme la voûte d’étoiles join-
tives Dont à chaque fois que tout homme expire l’orbite irradie depuis
son nombril.
Respirer est l’Acte ineffable et simple source inexhaustible du Commencement
Sitôt chassé l’air des poumons d’un homme le monde se vide et retourne au néant
Sitôt que cet homme réinspire le vide l’espace céleste pour l’emplir se distend.
La Syllabe c’est l’Ame dont le creux insondable que cet homme profère
sans l’entendre jamais D’autant plus l’affame et par là le nourrit que de ciel en ciel le
néant s’époumone Car le Souffle Se meurt pour S’accroître sans borne devenant son abime
à Soi-même inoui Où fondues l’une en l’autre la Syllabe l’Ame se consument s’éteignent
dans leur double infini Où après toute fin avant toute origine le Soi de Soi-même Se délivre
et S’oublie.