Ainsi soit-il
Je suis devin, mes chers amis ;
L’avenir qui nous est promis
Se découvre à mon art subtil.
Ainsi soit- il !
Plus de poète adulateur ;
Le puissant craindra le flatteur ;
Nul courtisan ne sera vil.
Ainsi soit-il !
Plus d’usuriers, plus de joueurs,
De petits banquiers grands seigneurs,
Et pas un commis incivil.
Ainsi soit-il !
L’amitié, charme de nos jours,
Ne sera plus un froid discours
Dont l’infortune rompt le fil.
Ainsi soit-il !
La fille, novice à quinze ans,
A dix-huit, avec ses amants,
N’exercera que son babil.
Ainsi soit-il !
Femme fuira les vains atours ;
Et son mari, pendant huit jours,
Pourra s’absenter sans péril.
Ainsi soit-il !
L’on montrera dans chaque écrit
Plus de génie, et moins d’esprit,
Laissant tout jargon puéril.
Ainsi soit-il !
L’auteur aura plus de fierté,
L’acteur moins de fatuité ;
Le critique sera civil.
Ainsi soit-il !
On rira clos erreurs des grands,
On chansonnera leurs agents,
Sans voir arriver l’alguazil.
Ainsi soit-il !
En France enfin renaît le goût ;
La justice règne partout,
Et la vérité sort d’exil.
Ainsi soit-il !
Or, mes amis, bénissons Dieu,
Qui met chaque chose en son lieu :
Celles-ci sont pour l’an trois mille.
Ainsi soit-il !