03 – Tu dis qu’il n’est pas temps, mondain, que tu t’amendes [XXI à XXX]
XXI.
Tu dis qu’il n’est pas temps, mondain, que tu t’amendes,
Mais Dieu hait le pécheur qui au péché croupit :
Sa clémence paroît aux offenses plus grandes,
En vain l’attend celui qui pèche par dépit.
XXII.
Qui de ce qu’il a dit, fait, ou pense, demande
A soi-même le compte au soir et le matin,
Se verra soulagé d’une peine bien grande
Au compte général qu’il rendra sur la fin.
XXIII.
Pour l’injure qui fait que la couleur te monte,
Et dit tes vérités, tu n’as point d’action :
De commettre le mal tu n’avois point de honte,
N’en aies point non plus pour ta correction.
XXIV.
Peut-être cet enfant se verra pauvre ou riche,
Peut-être il sera sage, ou ne le sera pas,
Peut-être il viendra ou libéral, ou chiche,
Mais un jour il ira, sans peut-être, au trépas.
XXV.
Quand le vin est au bas, l’épargne n’est plus bonne,
Car le pis et le moins reste au fond du tonneau :
N’abuse du loisir que ton âge te donne,
Et descends quelquefois tout vivant au tombeau.
XXVI.
Pécheur, ton Dieu n’est pas un Radament horrible,
Qui ne veut des péchés au pardon consentir :
On ne voit point au Ciel de crime irrémissible,
En terre on ne voit point de trop tard repentir.
XXVII.
Les yeux qui du Soleil aux rayons s’entretiennent,
S’éblouissent soudain, les jugements plus clairs
Aux jugements de Dieu comme taupe deviennent,
Les Aigles seulement soitiennent ces éclairs.
XXVIII.
Misérable vertu ton fait n’est que misère,
La Fortune à l’effet, tu n’as que le babil,
En ta pauvre maison tu es comme étrangère,
Les méchants sont logés, et les bons en exil.
XXIX.
Jusqu’au dernier soupir l’homme a désir d’apprendre,
Socrate vit, vieillit, et meurt en apprenant :
La science ne peut de la mort le défendre,
Et savoir bien mourir c’est être bien savant.
XXX.
Vivre c’est commencer et finir même ouvrage,
La vie n’est de même, à l’égard de chacun,
C’est un exil au sot, et un voyage au sage,
Où il marche autrement que ne fait le commun.