Le Sang de Menage
II criait dans la ruelle à l’abri
Je suis le mari de cette femme débraillée
Qui vous montrera son cœur et son âme pour rien
Regardez
L’heure du départ avait depuis longtemps sonné
Puis ce fut le hasard les voyages sans fin
Et ce voyage qui finit vous savez comment
Mais on ne sait quand
Personne ne sait quand
Homme et femme ils se ressemblaient
Pour rien son corps pour rien son âme
On ne sait plus quel était l’homme et quel la femme
Partis ensemble ils sont rentrés par la même porte
Combien de temps sont-ils restés
Cela non plus personne ne le sait
Quand ils sont ressortis ils se ressemblaient tellement
Prêts à tout
Qu’on n’a pas pu les séparer
Ensemble on a dû les laisser
Et quand le train passa complet jusqu’aux portières
Quelqu’un qu’on ne voyait pas galopait par derrière
C’est le voyage sans fin
Que l’on prenne à son heure ou qu’on manque le train
Un à un les voyageurs descendent
Et prennent le sentier du petit cimetière
On va s’asseoir un moment sur un banc de pierre
Et les cyprès tiennent la lune dans leurs doigts
Ceux qui sont repartis rient de ceux qui se rendent
Et leur joie durera au moins jusqu’à demain
Mais il faut bien crier un peu contre sa femme
Elle avait disparu il restait elle aussi
Ils se ressemblaient tellement
L’un sans l’autre ils ne pouvaient finir leur vie
La ville est trop haute et droite
On a quitté la ruelle où chauffait le soleil
Sur les pavés qui montaient raide vers le ciel
Pour la campagne les saules frais les ruisseaux clairs
L’auberge peinte en vert
Sur la prairie déteinte
La forêt silencieuse ouvre ses portes
Les ruisseaux sont des rails où l’eau dort de chaleur
Les yeux au ciel l’oubli vient le silence est berceur
Ah le calme et la paix voilà
Des tas de souvenirs reviennent
On est né là on s’en souvient la ville est venue bien après
On rôde dans des rues d’où l’on voudrait sortir ‘
Mais c’est fini on se regarde
On a les mêmes yeux on a le même nez
La bouche dit les mêmes mots
Comme on se ressemble
L’esprit seul n’y est pas
Où s’est-il donc caché
Ah voleur voleur lève ta chemise lève tes paupières
Je voudrais te mordre
Tu ne m’avais pas tout montré
Pierre Reverdy