Quelque Part
A présent la ruelle est refermée par la lettre majeure de l’enseigne que le vent rabattait sans cesse contre l’arbre du coin de la forêt à vendre.
Le vent en tourbillons aigris garnit le fond de la clairière.
Les passants mal logés sont saisis par le froid.
Les travailleurs de l’art sont morts la nuit dernière.
Maintenant on ne passe plus qu’en courant à cet endroit.
C’est le pont, plus petit qu’une enjambée, qui sonne.
Et les lourds souliers battent le sol, y restent pris et se reforment à chaque pas.
C’est loin de la ville et haut dans l’air.
Plus bas la terre équivoque s’étale.
Lentement le regard s’aiguille vers cette région inconnue où les couleurs ont été depuis longtemps déteintes par la pluie, les brouillards et le vent.
Poussières du désert sur les routes fécondes.
Les mûres saignent au bord du ciel où grimpent les épines.
La couronne du monde enserre le front torturé du couchant.
La haie vive qu’on ne peut pas franchir flambe et brûle les yeux, les mains, l’âme inquiète et lâche qui s’avance.
Mais au croisement des quatre routes, des quatre membres — quand les noms sont portés sur le haut de la croix — on trouve pour toujours, après l’angoisse du passage le
plus serré, le plus étroit, l’arrêt du calme et du repos dans la blancheur de l’étendue et le silence.
Pierre Reverdy