André Breton
Né à Tinchebray (Orne), étudiant en médecine à partir d’octobre 1913, André Breton se tourne très jeune vers la poésie, qu’il admire tout d’abord à travers les œuvres de Mallarmé et de Valéry. Durant la Première Guerre mondiale, mobilisé dans le service de santé de l’armée, il fait la rencontre, dans un hôpital, de Jacques Vaché, dont le comportement tout à la fois étrange et révolté et plus encore la mort mystérieuse vont exercer sur sa personnalité et sur ses goûts littéraires une influence décisive. Sans les renier, Breton s’éloigne alors de ses premières sources d’influence pour se tourner vers la poésie d’Apollinaire et de Rimbaud.
En avance sur sa génération, il fait, par ailleurs, le constat que le cataclysme dans lequel les valeurs d’avant-guerre ont sombré rend également caduques les certitudes philosophiques, épistémologiques et scientifiques. Son premier recueil poétique paraît en 1919 (Mont de piété).
Les chemins du surréalisme
C’est à cette époque et dans ce contexte que Breton, lecteur de Freud, décide d’explorer l’abîme ouvert par les recherches psychanalytiques sur l’inconscient, véritable labyrinthe de l’irrationnel qui s’offre désormais à l’investigation littéraire.
Avec Philippe Soupault et Louis Aragon, il fonde en 1919 la revue Littérature, puis fait la connaissance de Tristan Tzara, jeune chef de file du mouvement Dada que Breton rejoint en 1920 pour participer à une entreprise sans précédent de destruction de toutes les valeurs traditionnelles (Maurice Nadeau). En 1920 est publiée la première œuvre surréaliste, les Champs magnétiques, recueil rédigé par Breton et par Soupault selon le procédé de « l’écriture automatique » et qui explore les potentialités des états hypnotiques. Les écrivains collaborant à Littérature et les membres de Dada se réunissent à l’occasion de quelques manifestations iconoclastes et tapageuses; mais en 1922, Breton rompt avec Tzara à la suite de nombreux désaccords apparus entre les deux hommes. Si l’anticonformisme de Dada et sa volonté de nier la solution artistique restent au cœur de la définition du surréalisme, Breton revendique une poétique et une pensée nouvelles.
En 1923 est publié le recueil Clair de Terre, suivi l’année suivante de Pas perdus, qui réunit de riches essais critiques. Breton établit ensuite ses positions esthétiques dans un premier Manifeste du surréalisme (1924), qui met en lumière le rôle des mécanismes de la pensée et de l’écriture fulgurante au sein de la poésie surréaliste. À partir de décembre 1924, le groupe se dote d’une revue, la Révolution surréaliste. En 1928, Breton publie Nadja, récit inspiré par la rencontre d’une jeune femme inconnue. La même année, il écrit le Surréalisme et la Peinture qui montre que l’esthétique dépasse largement la littérature pour embrasser tous les domaines artistiques.
En 1929, dans un Second Manifeste du surréalisme plus polémique et didactique, il précise la notion de « surréalité », sonne le ralliement du surréalisme au marxisme et condamne les « déviations » en prononçant un certain nombre d’excommunications. Gardien de l’orthodoxie du mouvement, Breton est, pour les autres membres du groupe, une sorte de maître à penser dont les convictions affirmées le rendent parfois intraitable et lui valent le surnom de « Pape du surréalisme ». La rupture avec Vitrac, Soupault, Artaud et Desnos, entre autres, survient précisément à l’occasion de la définition des positions qu’il convient d’adopter à l’égard du marxisme et du Parti communiste (Breton est entré au Parti en 1927). Ralentir travaux (écrit en collaboration avec Éluard et Char), qui approfondit les théories du Second Manifeste, paraît en 1930, suivi en 1932 de Vases communicants. Les autres œuvres poétiques de cette période (l’Union libre, 1931; le Revolver à cheveux blancs, 1932; l’Air de l’eau, 1934;Etats généraux, 1943; Ode à Charles Fourier, 1947) sont des recueils de vers libres, qui disloquent la syntaxe et font la part belle à des métaphores qui se présentent « comme ces images de l’opium que l’homme n’a plus à évoquer mais qui s’offrent à lui spontanément » (premier Manifeste du surréalisme).
En marge du communisme
En 1935, Breton quitte le Parti communiste sans rompre pour autant tout engagement politique. Il voyage beaucoup pour le mouvement et s’investit dans la revue Minotaure. Avec Léon Trotski, rencontré au Mexique en 1938 – un an après la publication d’une œuvre capitale, l’Amour fou -, il rédige le manifeste Pour un art révolutionnaire indépendant.
En 1941, exilé à New York, il publie des Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non, puis, trois ans plus tard, Arcane 17 (1944). Après la guerre (1946), il revient en France et, jusqu’à sa mort, publie régulièrement des recueils poétiques (la Clé des champs, 1953), des ouvrages théoriques (le Surréalisme, même, 1954) ou des essais critiques (l’Art magique, 1957; Constellations, 1959).
Bibliographie
Essais
Manifeste du surréalisme (1924, 1930, 1946, 1962)
Le Surréalisme et la Peinture (1928, 1965)
Second manifeste (1929, 1962)
Anthologie de l’humour noir (1940)
Prolégomènes à un troisième manifeste ou non (1942, 1962)
Flagrant délit (1949)
Du surréalisme en ses œuvres vives (1954)
Poésie et récits poétiques
Mont de piété (1919)
Les champs magnétiques (1919)
Clair de terre (1923)
Les Pas-perdus (1924)
Nadja (1928, 1963)
Les Vases communicants (1932)
Point du jour (1934)
L’Amour fou (1937)
Arcane 17 (1944)
Poèmes (1948)
La Clé des champs (1953)
Citations choisies
C’est l’univers qui doit être interrogé tout d’abord sur l’homme et non l’homme sur l’univers.
Deux mains qui se cherchent c’est assez pour le toit de demain.
L’homme, ce rêveur définitif…
Le temps serait venu de faire valoir les idées de la femme aux dépens de celles de l’homme, dont la faillite se consomme assez tumultueusement aujourd’hui.
Le plus beau présent de la vie est la liberté qu’elle vous laisse d’en sortir à votre heure.
Ce n’est pas la crainte de la folie qui nous forcera à laisser en berne le drapeau de l’imagination.
L’Amour est toujours devant vous. Aimez.
Les mots font l’amour.
Un mot et tout est sauvé. Un mot et tout est perdu.
Rien ne sert d’être vivant, s’il faut qu’on travaille. (Nadja)
Il viendra un jour où les images remplaceront l’homme et celui-ci n’aura plus besoin d’être, mais de regarder. Nous ne serons plus des vivants mais des voyants.