Denis Diderot
Denis Diderot, est un écrivain, philosophe et encyclopédiste français.
Didier Diderot est coutelier et bourgeois influant à Langres. Ses parents sont Nicole Beligné (1655-1692) et Denis Diderot (1654-1723). Nicole Béligné est la fille de François Beligné, nommé maître coutelier en 1654. Cette notoriété ne pouvait que rejaillir sur la famille Diderot.21
Malgré les tensions avec son fils, Didier lui transmettra ses préoccupations morales et un intérêt pour la technique, qui aidera Diderot dans sa rédaction de l’Encyclopédie.
Diderot se consacra une partie de son existence à la traduction d’ouvrages de langue anglaise comme l’Histoire de la Grèce, de Temple Stanyan et l’Essai sur le mérite et la vertu de Shaftesbury.
Pour ses premiers écrits personnels, il aura pour maître Voltaire. Les pensées philosophiques font l’effet d’une bombe et attaquent à la fois l’athéisme et le christianisme classique. Elles furent brûlées sur l’ordre du Parlement de Paris pour ses propos choquants. Dès lors, Diderot est vu comme un provocateur et n’hésitera pas à donner son avis parfois cinglant malgré les critiques.
Diderot est reconnu pour son érudition, son esprit critique et un certain génie. Il laisse son empreinte dans l’histoire de tous les genres littéraires auxquels il s’est essayé : il pose les bases du drame bourgeois au théâtre, révolutionne le roman avec Jacques le Fataliste, invente la critique à travers ses Salons et supervise la rédaction d’un des ouvrages les plus marquants de son siècle, la célèbre Encyclopédie. En philosophie également, Diderot se démarque en proposant plus de matière à un raisonnement autonome du lecteur plutôt qu’un système complet, fermé et rigide. Rien en fait ne représente mieux le sens de son travail et son originalité que les premiers mots de ses Pensées sur l’interprétation de la nature (1753) :
« Jeune homme, prends et lis. Si tu peux aller jusqu’à la fin de cet ouvrage, tu ne seras pas incapable d’en entendre un meilleur. Comme je me suis moins proposé de t’instruire que de t’exercer, il m’importe peu que tu adoptes mes idées ou que tu les rejettes, pourvu qu’elles emploient toute ton attention. Un plus habile t’apprendra à connaître les forces de la nature; il me suffira de t’avoir fait essayer les tiennes. »
Aux yeux des historiens de la littérature, de l’an et des idées en France, le XVIIIe siècle ne commence pas en 1700, mais en 1715, avec la mort de Louis XIV ; et il ne s’achève pas en 1799, mais dix ans plus tôt, avec la prise de la Bastille. Cette période correspond presque exactement à la vie de Diderot : 1713-1784. Pour pertinente qu’elle soit, ce n’est pas l’unique raison pour laquelle Diderot est probablement pour tant de nos contemporains le personnage le plus représentatif du siècle des Lumières. Une autre raison, plus éloquente encore, est liée à l’histoire tout à fait inhabituelle de la publication de ses ouvres. Contrairement à ses contemporains les plus illustres. Voltaire et Rousseau, à l’ombre desquels on le place traditionnellement, Diderot s’est abstenu de publier de son vivant la plupart de ses ouvres majeures ; certaines d’entre elles n’ont donc été connues qu’après sa mort et les manuscrits qui ont fait le plus autorité ne virent le jour qu’à notre époque, en 1947 pour être exact. Deux éditions de ses ouvres complètes, les premières en un siècle, sont actuellement en préparation en France. Et Diderot, mieux connu au fil des années, est apparu bientôt comme le véritable esprit moderne du siècle des Lumières, éveillant dans de nombreux pays un intérêt sans précédent et d’une certaine façon sans égal. Au cours des trente ou quarante dernières années, cet intérêt et la recherche qu’il a stimulée ont déclenché une avalanche de nouvelles études qui ont révolutionné notre connaissance et notre appréciation de Diderot et de son ouvre.
Il écrit aussi des sermons pour prédicateurs en manque d’éloquence, et « emprunte » de l’argent à des prêtres en leur faisant croire qu’il va entrer au séminaire… Car il doit faire vivre deux ménages : il entretient aussi une maîtresse ! En 1746, entre le vendredi saint et le lundi de Pâques, il écrit les Pensées philosophiques, que le Parlement condamne au feu : le curé de sa paroisse l’a dénoncé à la police comme un « homme très dangereux qui parle des saints mystères de notre religion avec mépris ». Il en faut plus pour impressionner le philosophe. En 1748, il écrit – mais fait paraître anonymement – Les Bijoux indiscrets (roman grivois qui mêle allusions à la vie de la Cour et considérations sur l’art et la morale) ; en 1749, il donne sa Lettre sur les aveugles, où il professe ouvertement l’athéisme. Diderot est enfermé trois mois et demi au donjon de Vincennes, mais y est bien traité, et peut y recevoir les visites de ses nombreux amis.
En sortant de prison, Diderot entreprend de construire son monument : l’Encyclopédie. On lui a proposé, en 1447, d’adapter l’Encyclopédie de l’Anglais Chambers. Il demande l’aide de D’Alembert, mathématicien prisé dans les salons, qui rédigera la préface, de Buffon, de Montesquieu, de Jean-Jacques Rousseau (articles sur la musique), de Necker, etc. Voltaire, qui entraîne d’autres auteurs, propose aussi ses services rédactionnels. Diderot lui-même, se souvenant qu’il est fils d’artisan, se charge de la rédaction des « arts et métiers ». La plus grande aventure intellectuelle du xviiie siècle – le premier dictionnaire moderne – est lancée. Le premier tome paraît en 1751 et le second l’année suivante. L’Encyclopédie est, pour la première fois, mais non la dernière, condamnée par les autorités. Cette « guerre » entre philosophes et pouvoir va durer vingt ans, avec, en première ligne, Diderot. Car lorsque les persécutions vont se déchaîner, Diderot restera seul face aux attaques venues de toutes parts : de l’archevêché de Paris à l’Académie française, c’est à qui accablera le plus l’entreprise. Robuste, ardent, infatigable d’esprit et de corps, Diderot fait front et refuse de fuir en Russie, comme le lui recommandent ses amis. La protection de Choiseul, de Malesherbes et de Mmc de Pompa-dour lui permet de continuer à faire paraître l’Encyclopédie qui va occuper, sans les remplir, trente années de sa vie.
Tout en courant dans les ateliers pour étudier les arts et les métiers qu’il veut décrire, il publie, en 1754, ses Pensées sur l’interprétation de la nature, tente de rénover le théâtre par ses drames, Le Fils naturel (1757, joué en 1771) et Le Père de famille (1758), où, par une recherche exagérée du naturel, il tombe dans le genre faux et larmoyant ; il se fait critique de peinture dans ses Salons, modèle du genre (comptes rendus des expositions de peinture et de sculpture faites au Louvre, dans lesquels il invente la critique d’art), publie un éclatant dialogue, Le Neveu de Rameau (1762) ; il prête aussi sa plume à des auteurs moins talentueux. Car si l’Encyclopédie enrichit son éditeur, elle lui rapporte peu. D’ailleurs, Diderot est brouillé avec l’argent : il ne sait ni l’amasser ni le garder.
Ce philosophe bon vivant, qui bénéficie de la protection des politiques éclairés, reçoit ses amis, Voltaire, Grimm, les peintres Greuze et Chardin… et la noblesse européenne dans les salons des autres, son acariâtre épouse lui faisant des scènes constantes. Il a rencontré, en 1756, Sophie Volland, avec laquelle il entretient une Correspondance pittoresque et pleine de vie. En 1765, il est obligé de vendre sa bibliothèque : l’impératrice de Russie Catherine II, qui l’admire, la lui achète, et l’engage comme bibliothécaire en lui versant cinquante années de salaire ! Il marie sa fille unique en 1772 (ses trois autres enfants sont morts en bas âge, dont un fils que sa marraine a laissé tomber sur les marches de l’église, le jour de son baptême !), et l’année suivante se rend à la cour de Catherine II, en Russie, où pendant un an son impertinence et ses étincelantes digressions enchantent la souveraine, qui le comble d’attentions et d’honneurs. Ses romans licencieux datent de cette époque : Jacques le fataliste, La Religieuse… Revenu en France, sa santé étant devenue précaire, il écrit moins, mais fait toujours autorité dans les cercles philosophiques ; depuis 1758, il est fâché avec Rousseau, mais Voltaire, qui l’a en grande estime, le consulte au sujet de ses pièces. Son ami D’Alembert meurt en 1783. Début 1 784, il est victime d’une fluxion de poitrine, puis d’une crise d’apoplexie qu’il diagnostique lui-même, après avoir appris la mort de Sophie Volland. Son état semble lentement s’améliorer jusqu’au matin du 31 juillet 1784, où ce gourmet, qui a toujours avoué son goût pour la gastronomie, s’éteint rue de Richelieu, à Paris, en dégustant une compote de cerises.
Tête bouillante un peu désordonnée, écrivain brillant, l’ampleur de son ouvre ne cessera de surprendre : ce génie de la littérature française a été philosophe, conteur, homme de théâtre, critique, épistolier, et doué pour tous les genres, tant par l’originalité de ses idées que par la profondeur de sa culture et de ses intuitions.
Ce livre a donc été écrit dans l’espoir de répondre aux besoins de deux publics – le lecteur moyen et le spécialiste. Le premier, s’il ne connaît pas Diderot mérite qu’on lui montre pourquoi Diderot, l’époque de Diderot et les vicissitudes de sa vie devraient le concerner. Quant au spécialiste, souhaitons que les informations bibliographiques contenues dans ce livre lui seront utiles et que, lui aussi, trouvera de l’intérêt dans l’aperçu sur le début de sa carrière.
Le lecteur découvrira ici davantage d’informations sur l’Encyclopédie que n’en donnent généralement les biographes de Diderot. De cette analyse et de cette description du contenu d’un si important ouvrage de référence et d’enseignement, il devrait tirer une vision plus vivante du contexte intellectuel de l’âge des Lumières.
Langres, vieille ville romaine agréable mais quelque peu austère, où Diderot est né, domine un site fort imposant à l’extrémité nord du plateau de Langres ; le terrain tombe brusquement sur trois de ses côtés ; l’un de ses principaux moyens de communication avec le monde extérieur est une voie de chemin de fer à crémaillère qui rejoint la ligne proche du Paris-Bâle. Pour de nombreux membres du Corps expéditionnaire américain de 1917-1918, le souvenir de cette ville est associé à des états-majors et des écoles d’entraînement. Nombre de vétérans des deux guerres se rappelleront, tout en refaisant en pensée l’inévitable mais exaltante montée, la lourde masse de l’hôpital de la Charité, les vieilles tours des murailles, la porte gallo-romaine du IIe siècle et la charmante promenade sur les remparts qui entourent la cité et dominent la plaine voisine, où la Marne prend sa source et d’où la vue s’étend dans la direction des Vosges et des Alpes.
Ils se souviendront peut-être aussi des vieilles maisons à l’aspect sévère qui souvent masquent un intérieur Louis XIV ou cachent un jardin Renaissance ; des enfants barbouillés qui jouent dans les rues – Langres, en raison de sa situation, a fort peu de pièces d’eau et de terrains de jeu ; du nombre inhabituel de prêtres et de religieuses – Langres est toujours, à l’évidence, une ville pieuse ; et d’une atmosphère générale de quiétude, dont ses habitants sont très fiers, qui parlent du « calme de nos villes de province », allusion transparente à l’agitation d’un Paris de perdition.
Les années passant, le jeune Diderot prospérant dans ses études, la question se posa naturellement de savoir quelle carrière il embrasserait. Il y eut un moment, mais un moment seulement, où il parut possible qu’il reprît le métier de son père. Car Diderot, qu’agaçaient les remontrances et les corrections de ses maîtres, déclara un jour à son père ne plus vouloir aller à l’école.
Pour qui ne connaît que le Diderot de l’âge mûr – le libre penseur ardent et ferme – ce sera une surprise d’apprendre qu’à l’âge de treize ans il avait annoncé solennellement son intention de devenir prêtre. Le 22 août 1726, l’évêque de Langres lui donna la tonsure tandis que le futur ecclésiastique lisait quelques versets du quinzième psaume 2. Après cette cérémonie, il avait droit au titre d’abbé et devait porter le costume caractéristique d’un abbé, non pas la soutane, réservée aux prêtres, mais culotte noire, manteau court et collerette ecclésiastique avec son rabat blanc. C’est ainsi qu’il devint, pour un temps, membre d’une classe d’hommes très nombreux dans la vie du xvui . siècle, car les abbés, dont beaucoup n’accédaient jamais aux ordres sacrés mais qui, tous, avaient droit aux bénéfices ecclésiastiques, étaient des figures marquantes du paysage social.
Diderot à l’âge de trente ans était un homme jeune, sans argent, sans réputation, sans moyens d’existence. Sa querelle avec sa famille l’avait privé de toute aide paternelle, néanmoins il était d’esprit trop indépendant pour s’attacher à une profession, se plier à la contrainte du métier de précepteur, ou assumer la routine quotidienne d’une occupation mercantile. Il s’était dépeint avec justesse à son ami Wille comme un homme qui luttait pour devenir philosophe ou homme de lettres ; il était pour lors entièrement inconnu. Sa carrière de toute évidence n’allait pas se distinguer par une précocité singulière ; cependant il aspirait à trouver la gloire aussi bien que la vérité, si l’on considère comme autobiographique en partie ce portrait du fils ambitieux que le père raisonnable s’efforce de retenir au foyer : « Malheureux, que veux-tu faire ? Il est incertain que tu ailles à la gloire, et tu cours droit â la misère ‘ ».
Sur l’Ouvre de Diderot en général
Roger Lewinter, Diderot ou les mots de l’absence : essai sur la forme d’une ouvre, Paris, Champ Libre, 1976
Paul Vernière, Diderot : ses manuscrits et ses copistes, Paris, Klincksieck, 1967
Denis Diderot, Encyclopédie : articles Âme, Beau, Certitude, Droit naturel, Éditions Nathan
Raymond Trousson, Diderot jour après jour : chronologie, Paris, Champion, 2006
Raymond Trousson, Denis Diderot ou le vrai Prométhée, Paris, Tallandier, 2005
Michel Delon (dir.), Album Diderot, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 2004
Anne-Marie Chouillet (dir.), Les ennemis de Diderot : colloque, Klincksieck, 2000 (ISBN 978-2-25202880-3)
Raymond Trousson, Roland Mortier (éd.), Dictionnaire de Diderot, Paris, Honoré Champion, 1999
Arthur M. Wilson, Diderot : sa vie et son ouvre, Paris, Robert Laffont, 1985
Il s’agit de la traduction française de cet ouvrage de référence initialement publié en anglais.
Charly Guyot, Diderot par lui-même, Paris, Éditions du Seuil, imp. 1957
Franco Venturi, La jeunesse de Diderot : 1713-1753, Paris, Albert Skira, imp. 1939
Maurice Tourneux, Diderot et Catherine II, Paris, 1899
Jacques-André Naigeon, Mémoires historiques et philosophiques sur la vie et les ouvrages de Denis Diderot, Paris, 1821