Carmen Danse
Toute la société était dans le patio, et, malgré la foule, je voyais à peu près tout ce qui se passait, à travers la grille.
J’entendais les castagnettes, le tambour, les rires et les bravos ; parfois j’apercevais sa tête quand elle sautait avec son tambour.
Puis j’entendais encore des officiers qui lui disaient bien des choses qui me faisaient monter le rouge à la figure.
Ce qu’elle répondait, je n’en savais rien.
C’est de ce jour-là, je pense, que je me mis à l’aimer pour tout de bon ; car l’idée me vint trois ou quatre fois d’entrer dans le patio, et de donner de mon sabre dans le ventre
à tous ces freluquets qui lui contaient fleurettes.
Mon supplice dura une bonne heure ; puis les bohémiens sortirent, et la voiture les ramena.
Carmen, en passant, me regarda encore avec les yeux que vous savez, et me dit très bas :
—
Pays, quand on aime la bonne friture, on en va manger à
Triana, chez
Lillas
Pastia.
Légère comme un cabri, elle s’élança dans la voiture, le cocher fouetta ses mules, et toute la bande joyeuse s’en alla je ne sais où.