Le tour de l’ivoire

Raymond Queneau
par Raymond Queneau
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A l’abri des chênes couverts de vermine

Des chênes couverts de la vermine des morts

Ombre violette séparant la déchéance des horizons

Depuis la naissance de l’homme

A l’abri des arbres on ne rend pas la justice

Car la justice est une orfraie

Qui vagit la nuit pour endormir les chambres pleines

[d’amour
Les chambres mortelles aux enfants nouveau-nés
Déguisée elle tend une main insalubre
Aux pauvres qui désespèrent de la noirceur des murs
Les gardes-chiourme rugissent de joie ea suçant des

[menottes
Plus glacées qu’un clocher d’église
La foule se rue il le faut déjà prévoir vers les bals dits

[populaires
La justice la justice

Elle finira bien par s’étrangler en toussant
Chat perdu derrière un trottoir gluant
Fenêtre lamentable ne s’ouvrant que pour s’éteindre
Les lueurs qui se frôlent le long des corps imprévoyants
Demandent le chemin en pleurant le long des

[réverbères

Pendant que les agents deviennent chauves
Que les vitraux des chapelles s’anéantissent
Sous la pression des mains moites des femmes qui

[ne furent jamais vierges
Et qui pour tout boulevard ne fut qu’une passion
Demander le chemin on ne répondra pas Épaules exilées dans les nuits sans fin
Mines d’ombres étranglées

Des astres jaillissent par étincelles des vagues lointaines
Il pleut à perdre haleine
Un épervier bondit danseur désorienté
L’espace 6e meut avec souplesse au-dessus des forêts

[métalliques
D’où s’envolent des corbeaux musiciens aux froides

[destinées
Par-delà la palpitation rapide des landes
Clouées au sol par les menhirs Ëpouvantails de nuages ébauchés ou mourants
Par-delà les virginités dépolies des déserts où s’endort

[le soleil
L’ennui de ce jour s’est assis
Couvert de secondes comme un prêtre de poux
La carcasse de ces monstres s’est effondrée
De sa poussière s’échappent des oiseaux blancs et dorés
Joie des plumes rapidité des ailes
Traîne de joyaux évadés des yeux des amoureuses
Flemmes exaltées nuques transparentes
Seins de douceur torses d’étoiles
Vigilants gardiens de l’aube caressante
L’aube cristalline l’aube perpétuelle
Panthère au poil bleu
L’amour naît des rencontres une pieuvre mange

Une chouette parfumée abrite de son aile
Les fantômes ironiques et les amis du crime
Les pentes noircies du devoir s’émiettent au

[tremblement de la fatigue
Encore une fois le crépuscule s’est dispersé dans la nuit
Après avoir écrit sur les murs défense de ne pas

Raymond Queneau

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