Muses et lézards
CHŒUR
Nous lézards aimons les Muses Elles Muses aiment les Arts Avec les Arts on s’amuse On muse avec les lézards
LS LÉZARD PLASTIQUE
Je pétris de mes menues mains Un astucieux morceau de pain Moitié flûte moitié galette — Suis-je peintre ou bien architecte?
LI LÉZARD LYRIQUE
Oui c’est moi le lézard lyrique Et voici mon art poétique
Je prends un vers dans mon gousset Je le gobe à la croque au sel Oui voilà mon art poétique
LE LÉZARD MUSICAL
Les crapauds fort musicaux Modulent au bord de l’eau Moi lézard non moins musical Je chante auprès d’un verre d’ale
LE LÉZARD DANSEUR
De ma patte agile Je trace un symbole Le geste est facile Mais l’esprit frivole
LE LÉZARD ÉPIQUE
Je chante les exploits des Perses Arsacides Nos ancêtres Ils mangèrent des raisins verts Et les dents de leurs fils en furent agacées Tels étaient nos aveux pauvres lézards acidea
LE LÉZARD ASTRONOME
Dû Véga zaz’ Aldébaran Je promène ma lunette Mes calculs ne servent à rien Sinon pour faire des épates
LE LÉZARD MATHÉMATICIEN
Quat’ et quat’ huit et un font neuf Un lézard est plus p’tit qu’un bœuf 91 et 9 font 100 Un lézard est plus fort qu’un taon
UNE VIERGE
Je suis do la famille Des lézards ocellés Mon nom est Pétronille Oh c’est laid Oh c’est laid
LE LÉZARD QUAT’
De tous je suis le quatrième On me mesure à la tétrade Je cours derrière le troisième Et je précède la pentade
CHŒUR
Nous lézards aimons les Muses Elles Muses aiment les Arts Avec les Arts on s’amuse On muse avec les lézards
Le ventre sur le sol et le dos au soleil Notre queue étendue et calmes du cerveau
Nous goûtons un repos quotidien et pareil A la dissolution du sucre dans de l’eau
LES MUSES
Gentils lézards aimez les raurs Couchez-vous dans leurs lézardes Et cachez vos amours Dans ces tendres mansardes Gentils lézards vous vous glissez Sous de fines feuilles Ouvrez ouvrez bien l’œil Ou bien la queue perdrez
Gentils lézards que vous chantez Bien lorsque bouche ouverte Un moustique guettez Ou quelque autre bête
LÉZARD FARCEUR
Certes oui c’est en bâillant Qu’on chasse l’éléphant
(Les Muses s’en vont. Pause.)
cncsua
Nous voilà sans Muses On va s’embête?
Car l’ennui nous use Plus que pauvreté
LÉZARD EN PRIÈRE
Revenez parmi nous ô Muses indulgentes
Et veuillez pardonner à ce petit farceur
Ses poèmes sont creux ses proses indigentes
Mais dans tous ses bons mots n’entre aucune noirceur
LES MUSES
Il nous faut agréer cette gente prière Refaisons le chemin que nous avons pris hier
(Les Muses reviennent. Pause. Voici la nuit.)
quelqu’un
La nuit les animaux courent vers les marécages Le triton et la grenouille sortent de l’eau Couronnés de brouillards se dissolvent les arbres Et les feuilles descendent vers les chemins sourds L’insecte l’araignée avancent doucement Les crapauds par hasard en gobent quelques-uns Et s’essuient la bouche avec les feuilles humides Celles qui pourrissent au bord du marécage Pas de lumière La surface de l’eau luit Le phosphore pâlit les ombres végétales Cadavres de nuages tombés dans la nuit
Dans la nuit les maisons s’effritent comme plâtre
La montagne se dégonfle le granit fond
Le silex mollit le calcaire est une pâte
Il y a des marécages de gneiss et plomb
Marécages de marne où coule la forêt
Des troupeaux entiers tombent dans la boue opaque
La ville disparaît dans le magma de brume
Sur toute la terre s’étend le marécage
Du fond du marécage monte à la surface
Une bulle qui éclate lorsqu’elle arrive
A la surface Cette bulle qui éclate ainsi dans la nuit
C’est la nuit
CHŒUR
Nous lézards aimons les Muses Elles Muses aiment les Arts Avec les Arts on s’amuse On muse avec les lézards
(Cest le matin. Les lézards vont se chauffer au soleil.)
RIDEAU