Chanson
Faites-vous la sourde, Macée ?
Voyez Combaut qui vient à vous,
Pour ravoir ce que votre œil doux
Lui a tiré de sa pensée.
Vous l’avez, et lui ne l’a plus,
Voyez sa couleur jaune et fade,
Et tout le reste si malade,
Qu’il en est demeuré perclus.
M’amour, si vous voulez qu’il vive,
Rendez-lui tôt, car vous l’avez :
Regardez ses yeux tous cavés,
Qui de vivre n’ont plus d’envie.
Ou le gardez, si votre amour
Souhaite, cruelle, qu’il meure :
Car en plus gentille demeure
Ne saurait faire son séjour.
II vous aime plus que l’Avette
Au mois d’avril n’aime les fleurs,
Plus que le berger aux chaleurs
L’ombre mollet de la coudrette.
II est brun, mais la terre brune
Toujours porte les beaux épis,
Et parmi les ombreuses nuits
II n’est clarté que de la Lune.
II n’est ni trop laid ni trop beau,
Hier je regardais sa face
Dedans la fontaine qui passe
Contre le pied de cet ormeau.
II est riche assez pour vous deux,
Et si n’a bien qu’il ne vous donne,
Aimez-le seulement, mignonne,
Mon Dieu, il sera trop heureux !
II a déjà trois cochons de lait,
Qui sont sous le ventre de leur mère
Et trois brebis avec le père
Qui nourrissent un agnelet.
Toujours il a dans sa logette
Du fromage gras à foison,
Et du lait en toute saison
Avec la châtaigne mollette.
II sait le train du pâturage,
Et sait la terre ensemencer,
Et si sait aussi bien danser
Que jouvenceau (*) de ce village.
II vous aime plus que son cœur,
Que tenez en prison cruelle :
Ne lui soyez donc plus rebelle,
Et le prenez pour serviteur.
* Jouvenceau : Jeune homme.