L’ombre
Étant au frais de l’ombrage
De cet ormeau refrisé
Sur les plis de son feuillage,
D’un beau sep favorisé,
D’un beau sep qui l’entortille,
Et qui de grâce gentille
A son tige éternisé :
Et prenant l’haleine douce
D’un doux Zéphyr voletant,
Qui de mignarde secousse
Un doux soupir va soufflant,
Je suis contraint en échange
De te chanter la louange
De cette Ombre tremblotant.
Ombre gentil, qui modères
Sous une fraîche douceur
Les plus ardentes colères
Du ciel, étant en chaleur,
Et les plus chaudes haleines
Que reçoivent point les plaines
Du Soleil en son ardeur.
D’une couleur ombrageuse,
Tu contrefais le portrait
Que la main industrieuse
De la Nature portrait :
Tu contrefais en nuage,
De tout apparent visage,
D’un noir brun, le premier trait.
C’est toi qui retiens en bride
Des heures le glissant pas,
Et l’inconstance du vuyde
Qui mesures aux compas :
C’est toi qui brunis et voiles
Le feu brillant des étoiles
Qui rayonne en contrebas.
C’est toi qui fais que la Lune
Mène au galop ses morceaux
Le long de la lisse brune,
Claire de mille flambeaux :
C’est toi qui de main maîtresse
Pousse avant la blonde tresse
Du Soleil au fond des eaux.
C’est toi qui sur l’herbelette
De ton Été froidureux,
Entends la douce musette
Et les discours amoureux
Du berger à la bergère,
Lors que la Chienne en colère
Rend ses abois chaleureux.
Ombre frais je te salue,
Je te salue, ô l’honneur
De la crinière feuillue
Des bois, et de la fraîcheur,
Et des antres solitaires,
Les plus loyaux secrétaires
De ma plaintive langueur.