Ce qui dure

René-François Sully Prudhomme
par René-François Sully Prudhomme
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Le présent se fait vide et triste,
Ô mon amie, autour de nous ;
Combien peu de passé subsiste !
Et ceux qui restent changent tous.

Nous ne voyons plus sans envie
Les yeux de vingt ans resplendir,
Et combien sont déjà sans vie
Des yeux qui nous ont vus grandir !

Que de jeunesse emporte l’heure,
Qui n’en rapporte jamais rien !
Pourtant quelque chose demeure :
Je t’aime avec mon coeur ancien,

Mon vrai coeur, celui qui s’attache
Et souffre depuis qu’il est né,
Mon coeur d’enfant, le coeur sans tache
Que ma mère m’avait donné ;

Ce coeur où plus rien ne pénètre,
D’où plus rien désormais ne sort ;
Je t’aime avec ce que mon être
A de plus fort contre la mort ;

Et, s’il peut braver la mort même,
Si le meilleur de l’homme est tel
Que rien n’en périsse, je t’aime
Avec ce que j’ai d’immortel.

Les vaines tendresses

René-François Sully Prudhomme

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