Les herseurs – sous la lune
Ainsi qu’une prière et qu’un ennui, soleilles
Tu, lune pleine ! haut au haut des peupliers !
Tout a l’air d’eaux : et l’Homme inému des merveilles
Mène par la lumière, ayant l’amour des veilles,
Les pas las des Taureaux, Trois et loin réguliers.
Traîneurs doux de l’aiguë et de la large herse,
Homme et Taureaux, la lune, aux pâles prés, les a
Mornes et seuls grandis : et la paix large, à verse
Molle, neige : et, mouillé de l’impalpée averse,
L’équipage impavide et religieux va.
Doux de lune, vont las les Taureaux pleins de songe,
Un seul, et deux : et, sur l’épaule l’aiguillon,
Très haut l’Homme en avant en la paix grande plonge,
Tandis que leur dos maigre et noir marqué s’allonge
Hors mesure près d’eux, et rampe noir et long…
Haut sur les peupliers, la lune vénérienne
A des spleens graves, et, phosphorique, le noir
A des eaux de miroirs : mais las ! que mésavienne,
Quand à plein Temps le noir prendra l’horreur pour sienne
La pluie, et, non sous Terre, aux remous sans espoir
De l’eau large qui pisse et s’éverse aux semaines,
Nagera le grain nul : aussi, grands mesureurs
De leurs Terres, avant qu’ait loin, prodigue en peines,
Tout voilé l’ample herse, âpres et longs d’haleines,
Vontils sans le désir des lourds sommeils vainqueurs !
Sans paix, allés, venus, doux de rêve lunaire
vontils : et, las d’aller, s’enrêve le herseur :
Ayant l’air de songer, en un songe sévère,
Au nu large, tout sexe et vulve, de la Terre,
Qui s’ouvre, génésique, au germe envahisseur !
Légendes d’âmes et de sangs