À l’aube
Le matin s’écroule comme une pile d’assiettes
En milliers de tessons de porcelaine et d’heures
Et de carillons
Et de cascades
Jusque sur le zinc de ce bistro très pauvre
Où les étoiles persistent dans la nuit du café
Elle n’est pas pauvre
Celle-là dans sa robe de soirée souillée de boue
Mais riche des réalités du matin
De l’ivresse de son sang
Et du parfum de son haleine que nulle insomnie ne peut altérer
Riche d’elle-même et de tous les matins
Passés présents et futurs
Riche d’elle-même et du sommeil qui la gagne
Du sommeil rigide comme un acajou
Du sommeil et du matin et d’elle-même
Et de toute sa vie qui ne se compte
Que par matinées, aubes éclatantes
cascades, sommeils,
nuits vivantes
Elle est riche celle-là
Même si elle tend la main
Et doit dormir au frais matin
Dans sa robe crottée
sur un lit de désert.