La Moisson
Incroyable est de se croire
Vivant, réel, existant.
Incroyable est de se croire
Mort, feu, défunt, hors du temps.
Incroyable est de se croire
Et plus incroyable encore
De se croire, pour mémoire,
Un rêve, une âme sans corps.
Belles roses du passé,
Roses, odorantes roses,
Qui dès l’aube frémissez,
À la nuit déjà décloses,
Votre sort rapide et long
Est égal à nos années
Même si, dans le salon,
On vous apporte fanées.
Nos dieux étaient trop fragiles,
C’étaient de petites gens,
Dans un petit domicile,
Vivant de fort peu d’argent.
Plus grande est notre fortune
Et plus sombre est notre sort.
Nous ne voulons pas la lune.
Nous ne craignons pas la mort.
Par nos cinq sens ligoté
Notre univers rapetisse.
Adieu rêve, adieu beauté !
De vous je fais sacrifice
Au monde trop limité.