L’Aumonyme

Robert Desnos
par Robert Desnos
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À André Breton
21 heures, le 26.11.1922
En attendant Breton

en nattant l’attente

Sous quelle tente ?

nos tantes

ont elles engendré

les neveux silencieux

que nul ne veut sous les cieux

appeler ses cousins

en nattant les cheveux du silence ?

six lances

percent mes pensées en attendant

Breton
* * *
À Benjamin Péret
Notre paire quiète, ô yeux !

que votre « non » soit sang (t’y fier ?)

que votre araignée rie,

que votre vol honteux soit fête (au fait)

Sur la terre (commotion).
Donnez-nous, aux joues réduites,

notre pain quotidien.

Part, donnez-nous, de nos œufs foncés

comme nous part donnons

à ceux qui nous ont offensés.

Nounou laissez-nous succomber à la tentation

et d’aile ivrez nous du mal.
* * *
Exhausser ma pensée

Exaucer ma voix.
* * *
Prisonnier des syllabes …
* * *
* Cataracte des flots
* * *
Les moules des mers

aux moules des mères

empruntent leur forme d’œil.

Homme — houle d’aimer.
* * *
Ail de ton œil,

je t’aime à cause de cela.
* * *
Nos tâches tachent

tour à tour

les tours

d’alentours.
* * *
Vers quel verre, œil vert, diriges-tu tes regards chaussés de vair ?
* * *
Maître des pals, ô mâle !

le mal ne rend pas ta face plus pâle ;

que les opales fassent naître dans tes malles

des cours d’eau.

Mais ils seront si courts

que les chanteurs des cours,

baissant le dos, perdront le do.

Ah ! cours, maître du mal et du pal.

Il n’y a pas de mètre pour mesurer ta vie

{ }

{ ton } ta

{ l’âme sûre de la vie { }

ni de malle pour mettre {

{ et la mesure de l’envie.
* * *
Plutôt se perdre aux pins,

s’éprendre des yeux peints,

que de gagner son pain

où les fleuves vont s’épandre
* * *
Mords le mors de la mort Maure silencieux

Cils ! aux cieux

dérobez nos yeux
Non, nous n’avons pas de nom.
* * *
Plus que la nuit nue

la femme vient hanter

nos rêves pareils à Antée

antés des désirs renaissants
Nos pères ! C’est parce que vous n’aviez pas les yeux pers.
Changez vos cœurs au pair avec les dollars,

Change ton cœur, opère sans douleur.
* * *
J’aime vos cous marqués de coups,

maîtresse des fauves

(mes tresses défaut)

j’aime des dessins, non des seins,

j’aime les dents des dames.

Pis, j’aime les pieds, non les pies non les pis.
mais l’épée ?
* * *
Mais chants sont si peu méchants

Ils ne vont pas jusqu’à Longchamp

Ils meurent avant d’atteindre les champs

Où les bœufs s’en vont léchant

Des astres

Désastres.
* * *
L’an est si lent.

Abandonnons nos ancres dans l’encre,

mes amis.
* * *
De si haut les eaux tombent-elles sur nos os ?

Voici haut les oiseaux

la voie des tombes : voix os.
* * *
Un à un

les Huns

passent l’Aisne.

Nos aines confondent nos haines,

Henri Heine.

Un à un

les Huns

deviennent des nains.

Perdez-vous dans l’Ain

et non dans l’Aisne.
Hein ?
* * *
Tant d’or.
Passez les patries à l’épreuve du tan

et du temps

et encore des taons.
* * *
L’art est le dieu lare
des mangeurs de lard

et des phares dévoilent le fard

des courtisanes du Far-West qui s’effarent.
* * *
Dormir.

Les sommes noctures révèlent

la somme des mystères des hommes.
Je vous somme, sommeils, de
m’étonner

et de tonner.
* * *

* * *

Robert Desnos

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