L’oiseau qui vole vers la côte
L’oiseau qui vole vers la côte
n’est pas près du bord où, tendant les lèvres,
Le ciel de terre, au ciel de mer
offre un baiser d’écume.
n’a pas tort de voler, l’oiseau perdu en mer,
n’a pas tort, le marin qui fixe à l’avant du navire,
figure de proue, figure de rêve,
L’image même de celle qu’il aime.
Ceci se passe loin de tous les continents,
Loin des continents herbus où courent les taureaux sauvages,
Loin des continents mouillés où le lamantin et l’hippopotame
Barbotent grassement dans la boue qui luit et sèche et craque,
Loin des continents de ville et d’amour,
Loin des continents d’éternelle jalousie,
Loin des continents de steppe et de neige et de sable,
Loin des continents de soleil
Ceci se passe où je veux,
Au pays des sirènes et des typhons,
au pays des roulements de tonnerre
Près du continent du ciel aride,
Dans l’archipel éternel des nuages.
Roulez, roulez, nuages, tandis que l’oiseau vole.
Non loin de là,
Une fiancée reçoit pour sa fête
La carte postale d’éternel serment
La colombe, au bec, tient la lettre cachetée :
« Je vous jure un amour de toujours. »
Roulez, roulez, nuages, archipel de nuages,
Océan, aride océan.
Les fontaines se lamentent loin des oiseaux
Loin du murmure du vent dans les platanes.
À pleine gueule, le poisson que tient la sirène
Crache l’eau dans la lueur des réverbères et les reflets du macadam
Et toute cette histoire s’achève,
Loin des yeux, loin du cœur,
Près de l’éternel serment.
À Paris, place de la Concorde
Une femme la plus belle et la plus touchante passe
Seule, à pied, triste.
Et, loin d’elle, au-dessus de la mer
vole un oiseau
Et jamais la femme ne verra le vol de cet oiseau
jamais, de son ombre, le vol de cet oiseau ne rayera
Le chemin suivi par cette femme.
Jamais ? est-ce bien sûr ?
ô, rencontres —
ô, fontaines gémissantes au cœur des villes
ô, cœurs gémissants par le monde.
Vive la vie !