Ma gosse
« Ma gosse », dit-il, et « mon gosse », dit-elle
Et mon sang, notre cœur, notre ville, l’immense ville éperdue.
Des paveurs se sont perdus ce matin dans les champs où les bluets chantaient,
Où fleurissaient les rossignols,
Où patati et patata se tenaient à la disposition de tutti quanti.
Ce monsieur avait mal aux dents, mal aux reins, mal au nez.
La dentelle lui pendait au nez.
« Mon gosse, est-ce là notre vie, est-elle terminée ?
Elle nous paraît vide et creuse et pourtant plate et ainsi de suite,
Je sens couler ton sang sous mes mains,
Le mois d’avril n’est pas fini à la Saint-Sylvestre ! »
« Le chevalier s’empoisonne avec délice au cœur des neiges,
Y dort, y rêve, y gueule,
Et bonjour mon gosse, et bonjour ma gosse,
Et tes reins, et ton ventre et ta bouche,
Debout, fleur de pavé, fleur de nave, fleur d’oseille ! »
La nuit que je décris est une nuit de chaque vingt-quatre heures.
L’ancre descend à grand bruit dans un marécage insondable
Et tant de crasse de souvenirs, tant de crasse d’années,
Et ce sacré nom de Dieu de mois d’Avril
Qui n’est pas fini à la Saint-Sylvestre !
Janvier perd sa chemise,
Et Juillet son soulier.
Tous vieux, gâteux, honteux, miteux, la dentelle au nez
Et ce tonnerre de Dieu de mois d’Avril
Qui ne finit pas, qui ne finira jamais,
Même à la Saint-Sylvestre !