Azur au pays basque
C’est la saison divine et fraîche
Où l’on croit tout ce qu’on vous dit ;
L’air est bleu comme une dépêche,
Le ciel bleu comme un paradis ;
Le saule défend que l’on pleure ;
Le soleil dit : «N’allez jamais
Chercher midi à quatorze heures » ;
Les petits arbres des sommets
Semblent rangés par des archanges
Sur une table de gazon ;
Chaque oranger a dix oranges,
Chaque village a dix maisons ;
Dans l’arbre une voix infinie
Ne va durer que quelques jours ;
Les cigales ont du génie ;
La rose est la fleur de l’amour ;
Les plus méchants barreaux des grilles
Ont des sourires de jasmin ;
L’école des petites filles
Donne sept ans au vieux chemin ;
Le ciel tendre n’a pas un voile ;
Les peupliers ce soir pourront
Chanter la romance à l’étoile
Qu’ils touchent presque avec leur front ;
La lumière n’a pas un masque,
Et la campagne dit : «Vraiment,
Il n’y a que ce pays basque
Qui soit si triste et si charmant…»
Demain la fête d’Espelette
Vendra ses raisins andalous ;
Si la montagne est violette
C’est que le vent vient d’Itxassou…
Quelle douceur ! quelle faiblesse !
Un insecte miraculeux
Prétend qu’à jamais on le laisse
Dormir au fond d’un iris bleu ;
L’ortie a rentré tous ses ongles ;
Dans l’herbe qui monte aux genoux
On lit Le livre de la Jungle
Au milieu des gueules-de-loup ;
La couleuvre, dans les pervenches,
N’est plus qu’un collier endormi ;
On se confie aux moindres branches ;
Les animaux sont des amis ;
Le soleil aux balcons s’attarde ;
Les maisons ne sont plus soudain
Que des images qu’on regarde,
Car on habite les jardins ;
Un chant tremblant comme un mensonge
Passe au loin dans le soir tombant.
Les cœurs s’embarquent sur les songes…
Un manteau reste sur un banc…
Et tous les ciels, toutes les roses,
Prennent, pour mieux nous attendrir,
Cet aspect déchirant des choses
Qui deviendront des souvenirs !