Rêve de Noël
Ainsi qu’ils le font chaque année,
En papillotes, les pieds nus,
Devant la grande cheminée
Les petits enfants sont venus.
Tremblants dans leur longue chemise,
Ils sont là… Car le vieux Noël,
Habillé de neige qui frise,
A minuit descendra du ciel.
Quittant la guirlande des anges,
Le Jésus de cire et les Rois,
Transportant des paquets étranges,
Titubant sur le bords des toits,
Le vieux bonhomme va descendre …
Et, de crainte d’être oubliés,
Les enfants roses, dans la cendre,
Ont mis tous leurs petits souliers.
Ils ont même, contre une bûche
Qui venait de rouler du feu,
Rangé leurs pantoufles à ruche
Et leurs bottes de vernis bleu.
Puis, après quelque phrase brève,
Ils s’endormirent en riant
Et firent un si joli rêve
Qu’ils riaient encore en dormant.
Ils rêvaient d’un pays magique
Où l’alphabet fut interdit ;
Les ruisseaux étaient d’angélique,
Les maisons de sucre candi ;
Et dans des forêts un peu folles,
Tous les arbres, au bord du ciel,
Pleins de brillantes girandoles,
Étaient des arbres de Noël.
Dans ce pays tendre et fidèle,
Les animaux parlent encore,
L’Oiseau Bleu vient quand on l’appelle ;
La Poule a toujours des œufs d’or.
… Mais comme venait d’apparaître
Peau d’Âne en un manteau de fleurs,
Le jour entrant par la fenêtre
A réveillé tous les dormeurs.
C’est un talon qu’on voit descendre !
C’est un pied nu sur le parquet !
Les mains s’enfoncent dans la cendre,
Comme un bourdon dans un bouquet !
« Une armure avec une épée !
– Un navire ! Un cheval de bois !
– Oh ! la merveilleuse poupée
Et qui parle avec une voix !
– Que la bergerie est légère !
– Et comme le troupeau est blanc !
– Le loup ! – le berger ! – la bergère ! »
Tout tremble au bord du cœur tremblant…
Oh ! Bonheur ! Noël de la vie,
Laisse-nous quelques fois, le soir
Aux cendres de mélancolie,
Mettre un petit soulier d’espoir !
Autre version (voir commentaires)
Ainsi qu’ils le font chaque année,
En papillotes, les pieds nus,
Devant la grande cheminée,
Les bébés roses sont venus.
Derrière une bûche, ils ont même,
Tandis qu’on ne les voyait pas,
Mis, par précaution suprême,
Leurs petits chaussons et leurs bas.
Puis leurs paupières se sont closes
A l’ombre des rideaux amis…
Les bébés blonds, les bébés roses,
En riant se sont endormis.
Et jusqu’à l’heure où l’aube enlève
Les étoiles du firmament,
Ils ont fait un si joli rêve,
Qu’ils riaient encore en dormant.
Ils rêvaient d’un pays magique,
Où l’alphabet fut interdit.
Les arbres étaient d’angélique,
Les maisons, de sucre candi.
Et sur les trottoirs de réglisse,
On rencontrait – c’était charmant !
Des bonshommes de pain d’épice
Qui vous saluaient gravement.
Dans ce doux pays de féerie,
A guignol on va chaque jour,
Et l’on voit, sur l’herbe fleurie,
Des lapins jouer du tambour.
Sur de hautes escarpolettes,
Bercés par les anges, on dort.
Là, tous les chiens ont des roulettes,
Tous les moutons, des cornes d’or.
Mais comme venait d’apparaître
En personne, le Chat Botté,
Le jour, entrant par la fenêtre,
A mis fin au rêve enchanté..
Alors, en d’adorables poses,
S’étirant sur leurs oreillers,
Les bébés blonds, les bébés roses,
En riant se sont éveillés.