A Auguste Vacquerie

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
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Ami, voici que ton poëme,

Comme un oiseau baigné de jour,

Vole, éperdu, vers le ciel même,

En poussant de grands cris d’amour.
Armé de ta vertu première,

Tu réclames, pour les maudits,

Leur part de pain et de lumière

Et le soleil des paradis.
Il est temps de chasser la haine!

Sur le monde ressuscité

La fille de Faust et d’Hélène

Jette son regard enchanté.
Futura, dans son attitude,

Victorieuse du tombeau,

C’est la vie et la certitude,

C’est la sérénité du Beau.
Caressé par cette faunesse,

O poëte, je t’ai connu

A l’âge heureux où la jeunesse

Nous prête son rire ingénu.
Et, combattant déjà robuste,

Pour le pauvre, à tort châtié,

Tu sentais dans ton âme juste

Une inconsolable pitié.
Tu disais: Le fou dérisoire

Marche comme un aveugle errant

Qui titube dans la nuit noire.

Pourquoi punir cet ignorant?
Verse-lui plutôt l’ambroisie.

Qu’il savoure, comme un doux vin,

La lecture et la poésie,

Ce breuvage vraiment divin.
Tu voulais que le sort morose

Lâchât sa proie, et maintenant,

Tu veux encor la même chose,

En ton poëme rayonnant.
Et dans ton rêve prophétique

Tu montres, vainqueur à son tour,

Le Titan de la guerre antique,

Délivré du hideux vautour.
Futura, bonne et charitable

Ne rompra, de ses belles mains,

Le pain du festin, qu’à la table

Où s’assoiront tous les humains.
Et dans une tranquille gloire

Apaisant ses yeux radieux,

Elle fera manger et boire

Tous les maudits et tous les Dieux.
Mais avant qu’elle se décide,

Vierge vengeresse, il lui faut

Tuer le combat fratricide

Et briser le vil échafaud.
Un jour, un jour, espoir sublime!

Le glaive de flamme tuera

L’aveugle colère et le crime;

Et, pour adorer Futura,
Sur la terre, où la moisson mûre

S’offre à l’oiseau pour se poser,

On n’entendra que le murmure

Ailé, d’un immense baiser.
Ce sera la tranquille fête

De l’avenir victorieux,

Et tu la vois déjà, poëte,

Avec tes yeux mystérieux.
15 avril 1890.

Théodore de Banville

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